Antoine, que l'on retrouve sous son pseudonyme de "Visage Neige Visage Glace" est a la fois un grand fan de Black Metal devant l'éternel (enfin celui avec des cornes) et un poète à la plume redoutablement affûtée pour nous décrire les tourments d'une âme artiste confrontée à la bêtise et au vide intersidéral de notre temps. Ayant eu l'opportunité de lire un de ces recueils j'ai trouvé intéressant d'ouvrir avec vous cette page de poésie pour oublier un peu le matérialisme techniciste de notre temps...Le Scribe
UN PEU DE POÉSIE DANS UN MONDE DE BRUTES
Bonjour, Peux-tu présenter ton travail poétique
a nos lecteurs ?
bonjour scribe. Pour qualifier mon travail en poésie je dirais d’abord « libre » dans la forme , je ne me suis jamais fixé de limites stylistiques en terme de poésie , la preuve en est que les débuts étaient très inspirés par le surréalisme et l’association de mots ou d’images spontanées afin de créer un nouvel univers . J’ai ensuite évolué vers une poésie plus symbolique en fonction des thèmes qui m’étaient naturels (la nature, la fuite, la psychologie puis plus tard la dépression). Sur le fond l’élément prépondérant reste le rapport à la nature comme image de ce qui à la fois dépasse l’homme mais aussi le représente. Le froid de l’Islande dans mes textes est ainsi pour image cette sensation pénible d’être en prise avec le réel, la souffrance , le mal être . La glace par exemple fait rapport à ce qui coupe et paralyse un homme de l’intérieur comme l’anxiété ou le suicide. Ces notions, ces symboles font parties intégrantes d’un portrait psychologique mais ont bien sûr évoluées au cours de mes 10 années d’écriture.
Tes influences en matière de poésie ?
Mes influences en matières de poésie sont de trois formes : 1) littéraires 2) musicales 3) réelles . Concernant la littérature , j’ai été fortement influencé au début par des auteurs comme André breton et Robert desnos, c’était au lycée il y a 11 ans et c’est là que j’ai commencé à prendre l’écriture comme quelques chose de personnel pour moi et non de scolaire . A l’époque j’étais très porté par l’univers cyberpunk, NIN et le surréalisme. C’était ma manière d’appréhender une imagination débordante et de me comprendre en tant que jeune de 17 ans . Ensuite j’ai découvert Jack kerouac puis je suis parti au Québec et j’ai dévoré les poèmes de Blaise cendrars. Le contexte était celui du voyage , de la fuite de la France et de la recherche personnelle. C’est durant cette période que j’ai commencé à m’inspirer de mes voyages et de mes sensations pour écrire sur ma psychologie et la découverte de mon moi , ce que je nomme plus haut comme source d’inspiration « le réel ». L’hiver au Québec , le fait d’être loin de toutes mes attaches ainsi que la découverte du black métal à cette même époque, tout cela à forger les bases de mes sources d’inspirations encore actuelles. Aujourd’hui j’aime me mettre en situation propice pour écrire : dans un fjord, en Islande , au Québec ... par le réel , la littérature ou la musique. Voilà mes sources . Bien sûr la bière a beaucoup aidé
Je te sais grand fan de Black Metal. A quel
point ce genre musical influence t’il ton écriture ?
Pour faire écho à la question précédente , le black metal est une musique qui par son univers entier me transporte dans un monde propice à l’écriture et en résonance avec les expériences de voyage dans le Nord (Québec , Islande) , l’Ain, la Savoie ou la Bretagne. C’est donc une musique qui porte toute un univers d’images et de sensations pour moi , mon cerveau est dans un état second comme ci un film se jouait dont j’écrirais l’ensemble des scènes . Cette musique porte aussi une dimension plus psychologique faisant résonance à la haine ou à la dépression notamment . Revenant de cela, c’est très intime pour moi , et des artistes portent ces états d’esprits au travers d’une esthétique musicale et visuelle. Je pense à Vanhelga, Lifelover, Xasthur, Bethlehem, Hypothermia. Pour l’esthétique naturaliste et mon rapport aux grands espaces et aux lieux je site Panopticon, Wolves in the throne room, Alda, Fauna, Lustre, Evilfeast. Une bonne bière , une humeur dépressive et un album de black metal et c’est la fuite en avant vers une création !!! Enfin cela était avant que je ne remonte la pente.
Parles nous un peu de ton recueil ?
Alors , j’ai écris sept recueils en tout pendant ces dix années , néanmoins je n’en sors que deux . Le cinquième et le septième . Le recueil que tu as scribe , découle de mon séjour au Québec , j’ai commencé sont écriture en début de mon séjour et j’ai fini le livre deux an après mon retour en France , quand je sentais qu’il fallait tourner une page. La première partie est un prélude de deux textes écris avant mon voyage pour les études. Ces deux textes sont très inspirés par une recherche de fuite en avant , de vie presque , j’avais besoin de partir , de quitter mes attaches et de découvrir autre chose, avec férocité presque , c’est en cela que je me suis retrouvé chez des auteurs comme jack kerouac, Blaise cendrars, jim Harrison, un côté explorateur. Ces auteurs portent les textes de la deuxième partie où je découvre Montréal , des gens , ainsi que la Gaspésie et le saguenay. C’était en quelques sorte mon Into the wild où je prenait le bus à Montréal pendant 20 h pour partir le plus loin possible , me poser en auberge de jeunesse et découvrir du pays . Ensuite sont arrivés l’hiver et une relation amoureuse , ainsi que l’angoisse du retour. Cela se ressent dans les textes traitant plus d’une forme de hantise et d’isolement , le décors c’est Montréal , Québec ville, la nuit , les moins 25 degrés , et l’anxiété, la découverte du black métal avec Dissection et Dimmu borgir . Cette teinte sombre ne me quitte plus jusqu’à la troisième partie du recueil et mon retour en France , où se sont accumulés la présence latente d’une dépression , une rupture , l’alcool, l’entrée dans le monde du travail avec beaucoup de pression , ainsi que l’arrivée à Paris. C’est là que le black metal a joué car il m’a permis de ne pas me faire écraser et de m’inspirer dans mon écriture. Les sixième et le septième recueils restent dans les mêmes thèmes et le même état d’esprit d’une nostalgie et d’un mal être mais pour aboutir à ce que je qualifie de plus abouti . J’espère un jour sortir mon dernier recueil , j’étais au bord de l’irréparable quand je l’ai écris et j’étais à cinq textes par jours environ.
ET SI LE BLACK METAL ÉTAIT
AVANT TOUT DE LA POÉSIE ?
As-tu déjà envisagé de collaborer avec un
groupe pour faire une « mise en musique » de tes poèmes ? Ce
serait intéressant, non ?
j’ai écris les lyrics de la première chanson du premier album de mes copains du groupe de Doom Presumption. Le poème original s’intitule « les chevaux bleus pâles du nord » . J’ai adapté le poème en anglais et je suis très satisfait du résultat . Cette chanson est jouée en live par mes amis . Et je les en remercie.
Quelle est la vision d’un poète de notre monde
de 2019 ?
Pour moi ce monde par en vrille totale et court à sa perte , sur le plan politique, économique, social. J’ai une vision très pessimiste des choses. Heureusement l’art est une brasier immuable qui montre la plus belle part de l’espèce humaine au travers de l’ombre et de la lumière . C’est aussi pour cela que j’ai en premier lieu décide de quitter Paris , cette ville était un bagage de souffrance pour moi. Là où je suis j’ai la forêt, le vieux village, je me retrouve .
La poésie a joué un rôle immense dans la
littérature française jusqu’aux années 50 et ensuite sa place n’a fait que
réduire. Est-ce dû au désenchantement du monde ?
Artistiquement parlant je dirais que la poésie c’est transformée et n’est pas resté figée dans le passé , elle est toujours bien présente mais peux être moins par le vecteur traditionnel de l’écriture . Je pense aux textes magnifiques et musiques du dernier album de Glaciation, À la Chaise dyable de Peste Noire, aux albums de Sombres Forêts et Gris . La poésie est toujours présente, surtout dans le black métal français et Québécois . Quant au désenchantement il est certain ...
Tes 20 poètes/auteurs préférés ?
Vingt ?! Bon je vais faire de mon mieux . En top de liste je dirais Jack kerouac pour son roman Les anges de la désolation , un pur chef d’œuvre de désenchantement justement . Ensuite je n’ai pas vraiment de classement , je citerais Jim Harrison pour Dalva et Légendes d’automne, Blaise cendrars pour son intégral de poésie , Walt whitman pour ses envolées lyriques , Pete Fromm, Jack london , Paul Auster Joseph Boyden. Tout ces auteurs ont été important pour moi au travers de leurs œuvres .
Tes 20 albums préférés ?
Les albums qui ont été importants au travers de ma démarche créatrice sont les albums de Panopticon, pour moi c’est vraiment du black de bûcheron des États Unis , racontant l’histoire du minnesota et du kentucky. Il y a son album aussi Social Disservices qui fait état de souffrances profondes et de prises de médicaments. Il y a ensuite les albums de Wolves in the throne room , notamment Two hunters, cet album m’a emporté dans l’inconscient au possible , j’avais l’impression de me faire dévoré par les loups ! Magique . Dans la même veine on peut retrouver les trois albums de Alda , groupe de cascadian black metal. Ensuite , Vanhelga a été important pour moi , c’est malade , cynique et dépressif à souhait , Lifelover avec son EP Dekadens, toute la discographie de Bethlehem , notamment les deux derniers albums avec Onielar au chant . Voilà
Espace libre : tu peux nous lâcher un
petit poème de conclusion ?
Parfois je voudrais disparaître Corps et âme unis en des fragments éclatés de ces plus longues nuits Couteaux noirs d’un imaginaire en fuite D’un réel en pluie où respirer deviens perdre sans amour Sa mort liquide sur ses veines en cris De torrents saignés de cauchemars où l’eau noire s’écrit Céleste est l’homme seul sous leur pluie A eux les marcheurs figurés d’un règne mal acquis