INTERVIEW
AVEC STEFAN BAYLE
Réalisée le 23 Octobre 2019
"Vouloir assaisonner le Black Metal selon telle ou telle tendance plus ou moins à la mode est donc purement antithétique du mouvement lui-même, celui-ci exprimant par essence l’intuition de la dégénérescence liée à la fin du cycle, il est exempt de tout aspect social ou politique."
Bonjour Stefan, et merci
d'avoir la gentillesse de répondre à mes questions ! Peux-tu nous dire comment
tu vas et quelle est ton actualité ? J'ai cru voir que tu avais joué avec Au
Champ des Morts sur la même scène qu'Archgoat et Temple of Baal ?
Bonjour
Pierre, merci pour ta sollicitude !
Oui, en
ce moment nous donnons quelques concerts avec Au Champ Des Morts. La date dont
tu parles était un festival pour fêter les 15 ans de notre label, Debemur Morti.
Nous sommes très attachés à Debemur, aussi nous ne pouvions pas refuser une
telle opportunité !
Il nous
reste encore pas mal de dates à honorer, nous partons en tournée fin novembre
avec The Great Old Ones, puis on enchaîne avec le Mass Deathtruction en Belgique.
Par la
suite je vais essayer de m’atteler à un deuxième album d’Au Champ Des Morts, on
va se faire plus discrets sur scène.
Peux-tu nous parler du jeune
Stefan, celui qui a découvert le Black Metal et le Metal il y a quelques
décennies ?
J’ai
toujours été très solitaire, jeune je n’avais que peu d’amis, et je n’ai jamais
réussi à me fondre dans une scène. J’avais déjà cette sensation de ne pas être
à ma place, pas tout à fait ancré dans le réel, les choses me semblaient déjà
bien absurdes. Bien sûr, j’étais beaucoup plus optimiste et naïf que
maintenant, les effets de la jeunesse…
Vers 14
ans, j’ai découvert le « metal » comme on dit maintenant, et c’est
devenu très rapidement ma vocation. Cette époque-là n’avait pas grand-chose de
commun avec l’actuelle. Les choses se faisaient naturellement, de manière
instinctive. Il y avait une dimension initiatique, rituelle, que l’on peine à
retrouver de nos jours. L’accès à la musique ne pouvait se faire sans rentrer
dans un « cercle », on ne trouvait pas le nouveau Bathory sur
Youtube, ni dans un supermarché ou un festival.
J’ai de
bons souvenirs de cette période d’apprentissage, entre le tape-trading, les
radios locales, et les concerts réellement underground.
J’ai
monté un groupe de Death vers 91 si mes souvenirs sont bons, Necromancia, qui
c’est plus tard transformé en Anorexia Nervosa.
J’ai pas
mal cherche ma voie au début, j’ai toujours était fasciné par plusieurs style
qui pour moi forme un tout cohérent, mais qui était bien séparé à l’époque. De
Death in June à Bathory, j’ai toujours été fasciné par les groupes qui avaient
du sens, une dimension supérieure.
j’ai
toujours conçu mon rapport à la musique, que ça soit les albums ou les concerts,
comme un dépassement de soi, avec une dimension transcendante. Je ne peux pas
concevoir cela comme un divertissement, ou une chose quantifiée, vide. Il doit
y avoir de la magie, au sens propre du terme.
Beaucoup te connaissent pour
le rôle fondamental que tu as joué dans Anorexia Nervosa. Accepterais-tu de
revenir pour nous sur cet important épisode de ta vie et de ta musique ?
Anorexia
Nervosa a pris la suite de mon premier groupe. J’ai pas mal cherché ce que je
voulais réellement faire, d’où les débuts un peu chaotique. Mais les choses ont
changé quand j’ai rencontré Hreidmarr, c’est là que tout s’est mis en place. Il
y avait une alchimie entre nous, on ne se posait plus de questions, tout se
mettait en place très vite et simplement.
Au final, cette période Anorexia n’a pas duré très longtemps, une douzaine
d’année, mais ça a été intense. Pour ma part je ne faisais que ça, je n’avais
aucune vie à part le groupe.
On a
enchainé les albums et les concerts, mes souvenirs de cette période sont une
masse confuse de bons et mauvais moments, la vie d’un groupe quoi…
Encore
une fois, on était à contrecourant, c’est très difficile de trouver sa place
dans une scène qui n’existait pas vraiment. Quand on a commencé à se retrouver
à jouer régulièrement avec des groupes qui représentaient l’exact opposé de mes
principes de départ, j’ai commencé à perdre la foi. Si on ajoute à ça le fait
que le statut du groupe correspondait à un travail à plein temps, mais que nous
ne gagnions rien du tout, on voit bien que cela ne pouvait pas perdurer.
Sur la
fin, je n’arrivais plus à composer quoi que ce soit, et j’ai retrouvé cette
sensation de fausse réalité, je n’y voyais plus de signification. Avec le
recul, je suis très content d’avoir arrêté les choses à ce moment-là, je m’y
serai complétement perdu si cela n’avait pas été le cas.
Pour
moi, Anorexia, c’est une spontanéité, un état d’esprit, ancré dans une époque,
quand Hreidmarr a quitté le groupe, il a bien fait, c’était le fin de cette
époque, il fallait passer à autre chose. C’est aussi pour ça que je ne suis pas
très partant pour une reformation. Quel sens aurait-elle ?
Je ne sais pas si tu as lu
mon interview de Rose Hreidmarr dans le scribe ? Il exprime de vrais regrets
quant à la manière dont il a pu se comporter avec les membres
d'Anorexia...qu'en penses-tu ? Suis tu toujours sa carrière ? Etes-vous encore
en contact ?
Oui bien
sûr ! Comme je te le disais, je n’ai que très peu d’amis, et Hreidmarr en
fait définitivement partie. Nous sommes toujours en contact, et on se soutient
quoi qu’il advienne. Il m’a d’ailleurs beaucoup aidé sur les paroles d’Au Champ
des Morts, je ne l’en remercierais jamais assez.
Effectivement
sur la fin d’Anorexia, nous étions tous dans une mauvaise période, peut-être
Hreidmarr encore plus, mais c’est normal dans une « famille » d’avoir
des maux. On regrette, mais on passe vite à autre chose. Je ne lui en tiens pas
du tout rigueur. Au contraire, je reconnais bien là son côté visionnaire. Il
avait compris avant tout le monde que c’était bel et bien fini.
On ne se
voit pas souvent à cause de notre éloignement géographique, mais on se parle
régulièrement, et on s’envoie tout ce qu’on fait, histoire d’avoir l’avis de
l’autre.
Au Champ Des Morts est un
peu ton “bébé” non ? Peux-tu nous raconter un peu la grossesse et
l'accouchement qui lui ont donné vie en
2014 ?
Après
l’épisode Anorexia, il a fallu que je me reconstruise. Ça m’a pris du temps d’être
autre chose que juste « Stefan d’Anorexia ». J’ai pris le temps de
vivre, de lire, d’écouter, d’apprendre. J’avais la sensation d’avoir mis ma vie
en suspens pendant très longtemps, il m’a fallu du temps pour réapprendre à
être, et retrouver une voie, une perception.
Au
final, j’ai compris qu’évoluer dans le monde moderne et décadent m’était littéralement
impossible, d’où ces erreurs de parcours avec Anorexia. Pour que les œuvres
soient transcendantes, il faut pouvoir être soit même dans un chemin
initiatique, et arriver à se mettre à l’écart de toutes les déviances.
C’est
dans cet état d’esprit que c’est construit ACDM. J’avais décidé d’arrêter
complètement la musique, puis j’ai rencontré Migreich, et on s’est aperçu qu’on
avait énormément de points communs, et s’est dit qu’on pouvait essayer de faire
quelque chose pour voir, et les choses se sont de nouveaux mis en place comme
ça, d’elles même.
Par la
suite, on a décidé de transformer ce qui n’était qu’un projet en groupe, plus
en accord avec nos principes, et on a fait rentrer Wilheim et Cécile, des
proches, dans le cercle. Et puis, Migreich est parti, et on s’est retrouvé à
trois.
Ce qui
fait la particularité d’ACDM, c’est qu’on est tous expérimenté, mais qu’on part
de zéro, en suivant un chemin qu’on se fixe nous-même : je veux retrouver
ce qui faisait la particularité de ce genre musical avant qu’il ne commence à
se dissoudre.
J’écris
des tablatures sur papier, tout notre matériel a plus de vingt ans, on utilise
un minimum d’informatique, et on fait tout dans un local de répétition.
Pas de
solution d’envoi de fichier de guitar pro ou autre boîte à rythme. Je veux que
ce groupe et ces œuvres soit le résultat d’un cheminement profond et juste.
Il n’a
pas d’autre raison que son essence propre, il n’est pas ancré dans une époque,
et n’a aucune vocation de carrière ou divertissement, et j’essaie de faire en
sorte de ne pas me perdre dedans, même si parfois, cela arrive, mes expériences
et savoirs acquis avec le temps m’aide à remonter la pente.
Tu évolues dans le Black
Metal depuis les années 90, avec cette expérience et ce recul, quelle est ta
vision de ce dernier aujourd'hui ? Comment vois-tu les différentes évolutions
qu'il a connu depuis les années 2000 ?
Je
considère le « Black Metal » comme un microcosme, qui est donc régie
par analogie aux mêmes lois universelles que le macrocosme. A la fin du Kali
Yuga, tout ce qui nous relie au principe est brisé, et toutes les valeurs et
vérités se retrouvent inversées. Mais parfois, dans cette époque torturée se
produit spontanément un retour de la connaissance, une lumière dans les
ténèbres. Je vois le Black Metal comme une de ces spontanéités. Au départ, une
symbolique forte, une hiérarchie restaurée, et un guide transcendant. Mais
comme tout microcosme dans notre Yuga, cet état ne pouvait pas être stable, il
a donc suivi de manière accélérée, l’état du macrocosme. Après s’être doté d’une
doctrine, avec la deuxième génération, il s’en est éloigné de plus en plus jusqu’à
se perdre dans une dissolution dictée par la seule quantité.
Pour
autant, ces spontanéités continuent toujours de percer, simplement, elles ne se
joignent plus, leurs impact se fait plus
faible, plus caché, comme l’Agartha à la Fin.
Je ne
considère donc pas le Black Metal comme un mouvement qui subit une
« évolution ». Cela impliquerait un point de départ ou tout ce qui était
dit aurait été incomplet et que seul un changement profond dans le temps
arriverait à compléter. Rien ne serait plus faux.
Une doctrine comme le Black Metal ne se situe pas dans le domaine manifesté,
elle est au-delà. Elle n’a pas à évoluer, sinon, à périr dans cette époque. Se
perdre. Mais elle était complète dès sa première apparition.
Le Black
Metal est par essence un support permettant d’exprimer ce qui est ressenti
comme un déséquilibre du Monde dans lequel ses acteurs évoluent, ce
déséquilibre provoquant un malaise qui s’exprime au travers de symboles
représentants une antithèse de ceux utilisés, et souvent détournés, par
l’époque qui le reçoit.
Il ne
faut pas chercher à vouloir l’amplifier, le promouvoir. Il doit juste permettre
à ceux qui s’en saisissent de nourrir l’étincelle (la flamme noire) qui leur
montrera une voix initiatique qu’ils seront les seuls à pouvoir suivre.
Et de ce
point de vue, mis à part la difficulté croissante à trouver cette étincelle, à
cause de l’éloignement de la doctrine, le Black Metal ne change pas. Il est
toujours là.
Au Champ des Morts,
notamment avec l'album (superbe) “Dans la Joie” s'inscrit dans une veine BM
intimiste, assez sombre et dépressive, avec le renfort d'influences venues du
Rock Gothique. Tu en penses quoi ?
Oui,
c’est une bonne description ! Justement, quand on a commencé ACDM, l’idée
était de se débarrasser de toutes « limites » imposées par les
tendances actuelles. On voulait que notre musique soit la plus sincère
possible. On ne s’est posé aucune question. Il y a juste toutes nos influences
dedans, de Cocteau Twins à Celtic Frost en passant par The Devil’s Blood.
On a
essayé de faire les choses comme à l’époque pour être spontané et délivrer du
sens. C’est la toute la démarche du groupe.
En 2017 tu as donné une interview
dans Télérama. Si je ne me trompe pas tu es le seul acteur de la scène, avec
Vindsval de Blut Aus Nord/Yeruselem à avoir eu les honneurs de leurs colonnes ?
Quel effet ça fait ? Penses-tu que le BM est en phase de “normalisation” ? N'as-tu
pas peur que cela le banalise in fine ?
Ah mais ça
fait bien longtemps que le Black Metal et le Metal en général sont
« banalisés ». Avec internet, il n’est plus question de la moindre
initiation ni de la moindre implication de l’auditeur. Quant aux concerts,
c'est-à-dire le pendant « rituel », lui aussi s’est totalement vidé
de son essence avec l’avènement des grands rassemblements ou la forme occulte
totalement le fond.
Le
« Metal » est devenu un style technique normalisé à l’extrême. On
peut reprendre n’importe quelle chanson en version « Metal », et le
monde entier se prête à l’exercice. Il ne suscite même plus aucune répulsion
sur le grand public. N’importe qui peut même faire un album seul, sur son
ordinateur en moins de temps qu’il ne m’en faut pour allumer un ampli.
Il n’y a
plus de sacerdoce, juste un éloignement de plus en plus marqué envers le principe,
jusqu'à ce qu’il n’en reste plus rien et que tout soit noyé dans une
dissolution totale.
Pour
autant, à quoi me servirait-il de dénigrer ce genre de média ou de festival ?
Je prends ça comme un compliment d’être sollicité par Télérama, Je ne ressens
aucun sentiment de trahison dans le fait de me retrouver dans ces sphères-là.
Il faut juste faire attention à ne pas s’y perdre corps et âme.
On parle
souvent d’élitisme dans le Black Metal. Il est effectivement nécessaire, dans
le sens ou pour être atteint par cette musique il faut au préalable en passer
par une forme d’initiation, sous peine de ne jamais la comprendre, et de
contribuer à sa dissolution.
Mais
pour préserve ce Chemin de la Main Gauche, il ne s’agit plus de le cacher,
cette phase-là est bien terminée. Le Black Metal se cache dans la profusion, la
surproduction. Rien de mieux que la banalisation pour préserver son essence.
As-tu quelque chose sous le
coude avec Au Champ des Morts ? Si oui, peux-tu nous en parler ?
Malheureusement,
je n’ai rien de spécial à annoncer ! Depuis l’album « Dans la
joie » nous avons changé deux fois de guitariste, ce qui représente déjà pas
mal de travail.
Nous
avons enregistré deux morceaux sur la compilation « Servants of
Chaos II»
Par la
suite j’ai enregistré les guitares pour l’album d’Asphodèle.
Et on a
fait quelques concerts choisis, comme le « In Theatrum Denonium » ou
« Et il n’y aura plus de Nuit ».
Comme je
le disais au début de cette interview, nous avons encore une dizaine de concert
à honorer, et par la suite je vais essayer de retrouver cet état d’esprit qui
me permet de faire des morceaux dont je sois satisfait, qui viennent de loin,
ce qui n’a pas été depuis « Sanglot ». Peut-être n’y arriverais-je
pas, et ACDM partira en sommeil, ou alors il y aura un nouvel album en 2020, je
ne saurai dire.
A mon
grand désarroi, je ne fonctionne absolument pas comme la plupart des musiciens.
J’ai soit des fulgurances ou tout me vient très vite, comme si la musique
m’était « envoyée », soit de longues, voire très longues périodes de
vide intérieur, ou je n’arrive pas à sortir le moindre riff. C’est très
démoralisant, et j’essaie de travailler là-dessus, et de faire avec.
Comment vois-tu la
radicalisation et la cristallisation du politique dans notre scène (antifa vs
Ns en gros) ?
Elle est
inévitable. Plus on s’éloigne du principe, de la doctrine originelle, plus on
tombe dans la quantité, la dissolution, et au final l’aspect le plus dégénéré
du principe c’est la politique telle qu’on l’entend dans le monde moderne.
N’étant raccroché à rien, ne procédant que du vide, se développe tout et son
contraire, ce qui contribue à cacher d’autant plus le vrai sens du « Black
Metal ». Dans la même veine, on voit apparaître des choses comme
« Gay Black Metal », « Vegan Black metal », ça rejoint tout
simplement les thématiques profanes du monde moderne, ce mouvement est initié
depuis longtemps déjà. Pour ma part, n’ayant aucune considération pour les choses profanes, je me contente
d’étudier les doctrines « sacrées », cette place de spectateur, ou
pire, acteur de la dégénérescence moderne, je l’ai abandonné il y a quelques
années déjà.
Il est
quand même ironique de voir des profanes faire partie de cette scène la et
s’offusquer de la notion même du « Mal », de refuser tout ce qui
pourrait leur apporter le moindre enseignement, voir même de vouloir
l’éradiquer.
Réduire
cette musique à du bruit dégénéré et les revendications qui vont avec, détruire
son essence en la remplaçant par le sentimentalisme moderne, c’est vraiment une
grotesque absurdité dans laquelle nous sommes obligés de vivre.
Vouloir
assaisonner le Black Metal selon telle ou telle tendance plus ou moins à la
mode est donc purement antithétique du mouvement lui-même, celui-ci exprimant
par essence l’intuition de la dégénérescence liée à la fin du cycle, il est
exempt de tout aspect social ou politique.
Masi
c’est bien un aspect du Macrocosme qu’on retrouve là, une inversion des
valeurs. Au lieu de monter l’axe du pôle, on descend dans les tréfonds de
l’oubli de ses natures propres, de toute lumière, toute flamme.
Peux tu nous citer tes 20
albums préférés de tous les temps ?
Alors
dans le désordre :
- Bathory :
Hammerheart
- Candlemass :
Epicus Doomicus Metallicus
- Celtic
Frost : Monotheist
- The Devil’s
Blood : The Thousandfold Epicentre
- And Also The
Trees : Virus Meadow
- Burzum :
Filosofem
- Mayhem : Wolf's
Lair Abyss
- Death In June :
The Wall Of Sacrifice
- Bathory : Under
the Sign of The Black Mark
- The Sisters Of
Mercy : Floodland
- Year Of No Light
: Ausserwelt
- Austere : Bleak
- Satyricon :
Shadowthrone
- Woods of
desolation : Toward the Depth
- Immortal : At
the heart Of Winter
- Watain :
Sworn to The Dark
- Dernière
volonté : Devant le Miroir
- Drudkh :
Blood On Our Wells
- Dead Can Dance :
The Serpent’s Egg
- Field of The
Nephilim : Elyzium
Quel avenir vois-tu pour
cette scène musicale ? A l'instar d'un Vindsval penses-tu que le Black Metal
est mort ?
Le seul
avenir possible est la dissolution. Mais, encore une fois, ce serait une erreur
que de penser ce mouvement chronologiquement. C’est un courant qui est soumis
aux lois principielles, c’est tout. Personne ne peut le guider dans une
direction autre que sa nature propre.
Je ne
partage pas tout à fait le point de vue de Vindsval. Evidemment, si on compare
la période actuelle aux précédentes, il semblerait que l’on ne retrouve plus la
ferveur et la spontanéité d’antan. Mais, je continue à croire que c’est parce
que les choses sont cachées. Derrière une indéfinité de stéréotype, il y a
toujours des œuvres et des courants sincères qui persistent dans la Voie.
Je te sais grand fan, comme
moi, de Burzum et Bathory. Qu'est ce qui t'a fasciné et obsédé chez ces génies
?
Leurs
Œuvres sont complètes. Même des décennies après leurs sorties, leur puissance,
leur force restent intactes. Ces albums représentent bien une forme de
perfection, ils possèdent cette transcendance, cette symbolique parfaite. Je
m’en nourris encore, ils font partie de moi maintenant.
La
première fois que j’ai écouté Bathory, je me suis retrouvé propulsé dans une
dimension qui m’était encore inconnue. Et trente ans plus tard, l’impact d’un
« Hammerheart » est toujours là.
J’ai eu
de la chance, j’étais là au bon moment, au bon endroit pour pouvoir pleinement
apprécier Bathory. Je ne pense pas que quelqu’un qui à 20 ans actuellement
puisse pleinement embrasser ces albums-là. A chaque génération son phare.
Je pense
que ces deux génies comme tu dis, ont marqués véritablement et durablement un
certain nombre de personnes qui se retrouvent sous une influence
Finalement,
il n’y a pas grand-chose à en dire. Etre obsédé par ce genre de groupe, ça fait
partie d’un cheminement d’ordre intérieur qui ne peut pas être décrit avec de
simple mots.
Tu joues également dans
Asphodèle, en compagnie de Spellbound d'Aorlhac et Audrey de Malnuit ? Peux-tu
nous en parler ?
Oui.
Asphodèle est le projet de Spellbound et Audrey, et ils cherchaient des
musiciens pour concrétiser tout ça. Ils m’ont demandé si je pouvais m’occuper
des guitares, et j’ai accepté avec joie. J’aime beaucoup le style d’Asphodèle, ça
me rappelle un peu l’esprit Forbidden Site. Il y a un aspect primaire, un peu
naïf, à contre-courant, dans lequel je me reconnais tout à fait. Par la suite,
Wilheim s’est occupé de la batterie.
C’était
une très bonne expérience, j’ai beaucoup aimé faire ça, pour une fois je
n’étais pas « aux commandes », c’est plutôt reposant.
L’album
sort bientôt j’espère qu’il recevra un bon accueil.
A toi de conclure :
Merci
Pierre pour cette interview.
En espérant
que tout se termine Dans la Joie.
Merci
Stefan !
AMSG
THE ENGLISH VERSION
Hello Stefan, and thank you for being so kind as to answer my questions! Can you tell us how you are and what is your news? I thought I saw that you played with In the Field of the Dead on the same stage as Archgoat and Temple of Baal?
Hello Pierre, thank you for your concern!
Yes, at the moment we are giving some concerts with Au Champ Des Morts. The date you are talking about was a festival to celebrate the 15th anniversary of our label, Debemur Morti. We are very attached to Debemur, so we couldn't refuse such an opportunity!
We still have a lot of dates to celebrate, we go on tour at the end of November with The Great Old Ones, then we go on with the Mass Deathtruction in Belgium.
Then I'll try to work on a second album of Au Champ Des Morts, we'll be more discreet on stage.
Can you tell us about the young Stefan, the one who discovered Black Metal and Metal a few decades ago?
I was always very lonely, young I had few friends, and I never managed to blend into a scene. I already had this feeling of not being in my place, not quite anchored in reality, things already seemed quite absurd to me. Of course, I was much more optimistic and naive than now, the effects of youth...
Around the age of 14, I discovered "metal" as they say now, and it quickly became my vocation. That time had little in common with the present one. Things were done naturally, instinctively. There was an initiatory, ritual dimension, which is hard to find nowadays. Access to music could not be achieved without entering a "circle", the new Bathory could not be found on Youtube, nor in a supermarket or festival.
I have good memories of this learning period, between tape-trading, local radios, and really underground concerts.
I started a Death band around 91 if my memories are good, Necromancia, which later turned into Anorexia Nervosa.
I looked for my way at first, I was always fascinated by several styles that for me form a coherent whole, but which was well separated at the time. From Death in June to Bathory, I was always fascinated by bands that made sense, a higher dimension.
I have always conceived my relationship with music, whether it be albums or concerts, as a way of surpassing oneself, with a transcendent dimension. I cannot conceive of this as entertainment, or a quantified, empty thing. There must be magic, in the true sense of the word.
Many know you for the fundamental role you played in Anorexia Nervosa. Would you agree to come back for us on this important episode of your life and your music?
Anorexia Nervosa took over from my first group. I looked a lot for what I really wanted to do, so the beginning was a little chaotic. But things changed when I met Hreidmarr, that's when everything started. There was a chemistry between us, we didn't ask each other any more questions, everything was set up very quickly and simply.
In the end, this Anorexia period didn't last very long, a dozen years, but it was intense. For my part, I only did that, I had no life except for the band.
We have done a series of albums and concerts, my memories of this period are a confused mass of good and bad moments, the life of a band what...
Once again, we were against the current, it's very difficult to find our place in a scene that didn't really exist. When we started to find ourselves playing regularly with groups that represented the exact opposite of my original principles, I began to lose faith. If we add to that the fact that the group's status corresponded to full-time work, but that we were not earning anything at all, we can see that this could not continue.
At the end, I couldn't compose anything anymore, and I found this feeling of false reality, I didn't see any meaning in it. Looking back, I am very happy to have stopped things at that point, I would have gotten completely lost if that had not been the case.
For me, Anorexia is a spontaneity, a state of mind, rooted in an era, when Hreidmarr left the band, he did well, it was the end of that era, we had to move on. That's also why I'm not very interested in a reformation. What would it mean?
I don't know if you read my interview with Rose Hreidmarr in the scribe? He expresses real regret about the way he was able to behave with the members of Anorexia...what do you think? Are you still following his career? Are you still in contact?
Yes, of course! As I told you, I have very few friends, and Hreidmarr is definitely one of them. We are always in contact, and we support each other no matter what. He helped me a lot with the words of Au Champ des Morts, I would never thank him enough for that.
Indeed on the end of Anorexia, we were all in a bad period, maybe Hreidmarr even more, but it is normal in a "family" to have aches. We're sorry, but we're moving on quickly. I do not hold it against him at all. On the contrary, I recognize his visionary side. He had understood before everyone else that it was over.
We don't see each other often because of our geographical distance, but we talk regularly, and we send each other everything we do, just to get each other's opinion.
ACDM is a little bit like your "baby", right? Can you tell us a little about the pregnancy and childbirth that gave her life in 2014?
After the Anorexia episode, I had to rebuild myself. It took me a long time to be something other than just "Stefan of Anorexia". I took the time to live, to read, to listen, to learn. I had the feeling that I had put my life on hold for a very long time, it took me time to learn to be again, and to find a way, a perception.
In the end, I understood that evolving in the modern and decadent world was literally impossible for me, hence these mistakes in the journey with Anorexia. For the works to be transcendent, it is necessary to be able to be in an initiatory path and to be able to put oneself away from all deviances.
It is in this state of mind that ACDM is built. I had decided to stop the music completely, then I met Migreich, and we realized that we had a lot in common, and thought we could try to do something to see, and things got set up again like that, on their own.
Then, we decided to transform what was only a project into a group, no longer in accordance with our principles, and we brought Wilheim and Cécile, relatives, into the circle. And then Migreich left, and we ended up with three of us.
What makes ACDM so special is that we are all experienced, but we start from scratch, following a path that we set ourselves: I want to find out what made this musical genre so special before it began to dissolve.
I write tablatures on paper, all our material is more than twenty years old, we use a minimum of computer technology, and we do everything in a rehearsal room.
No solution to send a pro guitar file or other drum machine. I want this group and these works to be the result of a deep and just journey.
It has no other reason than its own essence, it is not rooted in an era, and has no career or entertainment vocation, and I try not to get lost in it, even if sometimes, this happens, my experiences and knowledge acquired over time helps me to go back up the slope.
You have been working in Black Metal since the 90s, with this experience and perspective, what is your vision of it today? How do you see the different evolutions it has undergone since the 2000s?
I consider "Black Metal" as a microcosm, which is therefore governed by analogy to the same universal laws as the macrocosm. At the end of Kali Yuga, everything that connects us to the principle is broken, and all values and truths are reversed. But sometimes, in this tortured age, there is a spontaneous return of knowledge, a light in the darkness. I see Black Metal as one of those spontaneous things. At the beginning, a strong symbolism, a restored hierarchy, and a transcendent guide. But like any microcosm in our Yuga, this state could not be stable, so it followed the state of the macrocosm in an accelerated way. After adopting a doctrine, with the second generation, he moved further and further away from it until he got lost in a dissolution dictated by quantity alone.
However, these spontaneities still continue to break through, simply, they no longer join, their impact is weaker, more hidden, like the Agartha at the End.
So I don't consider Black Metal as a movement that undergoes an "evolution". This would imply a starting point where everything that was said would have been incomplete and that only a profound change over time would be able to complete. Nothing could be further from the truth.
A doctrine like Black Metal is not in the manifested domain, it is beyond. It does not have to evolve, otherwise, to perish in this era. Lose yourself. But it was complete from the first appearance.
Black Metal is by essence a support to express what is felt as an imbalance of the World in which its actors evolve, this imbalance causing an unease that is expressed through symbols representing an antithesis of those used, and often diverted, by the time that receives it.
We should not try to amplify it, to promote it. It must just allow those who grasp it to feed the spark (the black flame) that will show them an initiatory voice that only they will be able to follow.
And from this point of view, apart from the growing difficulty in finding this spark, because of the distance from doctrine, Black Metal does not change. He's still there.
Au Champ des Morts, especially with the (superb) album "Dans la Joie" is part of an intimate, rather dark and depressive BM vein, with the reinforcement of influences from Gothic Rock. What do you think of that?
Yes, that's a good description! Precisely, when we started ACDM, the idea was to get rid of all the "limits" imposed by current trends. We wanted our music to be as sincere as possible. We didn't ask ourselves any questions. There are just all our influences in it, from Cocteau Twins to Celtic Frost to The Devil's Blood.
We tried to do things as we did then to be spontaneous and deliver meaning. This is the whole approach of the group.
In 2017 you gave an interview in Télérama. If I'm not mistaken, you're the only actor on the scene, with Vindsval from Blut Aus Nord/Yeruselem to have had the honour of their columns? How does it feel? Do you think the BM is in the "normalization" phase? Aren't you afraid it will trivialize him in the end?
Ah but Black Metal and Metal in general have been "trivialized" for a long time. With the Internet, there is no longer any question of the auditor's initiation or involvement. As for concerts, i.e. the "ritual" counterpart, it too has completely emptied itself of its essence with the advent of large gatherings where the form totally obscures the content.
Metal" has become a technical style standardized to the extreme. Any song can be covered in a "Metal" version, and the whole world lends itself to the exercise. It no longer even arouses any repulsion among the general public. Anyone can even make an album alone, on their computer in less time than it takes me to turn on an amp.
There is no longer a priesthood, just an increasing distance from the principle, until there is nothing left of it and everything is drowned in a total dissolution.
However, what good would it do me to denigrate this kind of media or festival? I take that as a compliment for being solicited by Télérama, I don't feel any sense of betrayal in finding myself in these spheres. You just have to be careful not to lose yourself body and soul.
We often talk about elitism in Black Metal. It is indeed necessary, in the sense that in order to be reached by this music it is necessary to first go through a form of initiation, under penalty of never understanding it, and to contribute to its dissolution.
But to preserve this Way of the Left Hand, it is no longer a question of hiding it, this phase is over. Black Metal hides in the profusion, the overproduction. There is nothing better than trivialization to preserve its essence.
Do you have something current with Au Champ des Morts ? If so, can you tell us about it?
Unfortunately, I don't have anything special to announce! Since the album "Dans la joie" we have changed guitarists twice, which is already a lot of work.
We recorded two songs on the compilation "Servants of Chaos II"
Then I recorded the guitars for Asphodèle's album.
And we did some selected concerts, like "In Theatrum Denonium" or "And there will be no more Night".
As I said at the beginning of this interview, we still have about ten more concerts to perform, and then I will try to find that state of mind that allows me to make songs that I am satisfied with, that come from far away, which has not been since "Sanglot". Maybe I wouldn't be able to do it, and ACDM will go to sleep, or there will be a new album in 2020, I can't say.
To my great dismay, I do not function like most musicians. I either have dazzling insurances or everything comes to me very quickly, as if the music were "sent" to me, or long, even very long periods of inner emptiness, or I can't get out any riff. It's very demoralizing, and I'm trying to work on it, and deal with it.
How do you see the radicalization and crystallization of politics in our scene (antifa vs. Ns in general)?
It is inevitable. The further we move away from the principle, from the original doctrine, the more we fall into quantity, dissolution, and ultimately the most degenerate aspect of the principle is politics as we understand it in the modern world. Not being clinging to anything, only proceeding from the void, everything and its opposite develops, which contributes to hide even more the true meaning of "Black Metal". In the same vein, we see things like "Gay Black Metal", "Vegan Black metal", it simply joins the secular themes of the modern world, this movement has been initiated for a long time now. For my part, having no consideration for profane things, I simply study the "sacred" doctrines, this place of spectator, or worse, actor of modern degeneration, I abandoned it a few years ago already.
It is ironic, however, to see lay people being part of this scene and taking offence at the very notion of "Evil", to refuse anything that could teach them anything, even to want to eradicate it.
Reducing this music to degenerate noise and the claims that go with it, destroying its essence by replacing it with modern sentimentality, is really a grotesque absurdity in which we are forced to live.
Wanting to season Black Metal according to this or that more or less fashionable trend is therefore purely antithetical to the movement itself, which by its very nature expresses the intuition of degeneration linked to the end of the cycle and is free of any social or political aspect.
But it is indeed an aspect of the Macrocosm that we find here, an inversion of values. Instead of raising the axis of the pole, we go down into the depths of oblivion of our own natures, of all light, all flame.
Can you name your 20 favorite albums of all time?
So in the wrong order:
- Bathory: Hammerheart
- Candlemass: Epicus Doomicus Metallicus
- Celtic Frost: Monotheist
- The Devil's Blood: The Thousandfold Epicentre
- And Also The Trees: Meadow Virus
- Burzum: Filosofem
- Mayhem: Wolf's Lair Abyss
- Death In June: The Wall Of Sacrifice
- Bathory: Under the Sign of The Black Mark
- The Sisters Of Mercy: Floodland
- Year Of No Light: Ausserwelt
- Austere: Bleak
- Satyricon: Shadowthrone
- Woods of desolation: Toward the Depth
- Immortal: At the heart Of Winter
- Watain: Sworn to The Dark
- Last wish: In front of the Mirror
- Drudkh: Blood On Our Wells
- Dead Can Dance: The Serpent's Egg
- Field of The Nephilim: Elyzium
What future do you see for this music scene? Like Vindsval, do you think Black Metal is dead?
The only possible future is dissolution. But, once again, it would be a mistake to think of this movement chronologically. It is a current that is subject to the main laws, that's all. No one can guide him in a direction other than his own nature.
I do not quite share Vindsval's point of view. Obviously, if we compare the current period to the previous ones, it would seem that we no longer find the fervour and spontaneity of yesteryear. But I still believe it's because things are hidden. Behind an indefinite stereotype, there are always sincere works and currents that persist in the Way.
I know you're a big fan, like me, of Burzum and Bathory. What fascinated and obsessed you about these geniuses?
Their Works are complete. Even decades after their release, their power, their strength remain intact. These albums represent a form of perfection, they possess this transcendence, this perfect symbolism. I still feed on them, they're part of me now.
The first time I listened to Bathory, I found myself propelled into a dimension that was still unknown to me. And thirty years later, the impact of a "Hammerheart" is still there.
I was lucky, I was there at the right time, in the right place to fully appreciate Bathory. I don't think anyone who at 20 years old right now can fully embrace these albums. Each generation has its own lighthouse.
I think that these two geniuses, as you say, have really and lastingly marked a certain number of people who find themselves under an influence
In the end, there's not much to say about it. Being obsessed with this kind of group is part of an inner journey that cannot be described in simple words.
You also play in Asphodèle, with Spellbound by Aorlhac and Audrey by Malnuit? Can you tell us about it?
Yes. Asphodel is Spellbound and Audrey's project, and they were looking for musicians to make it all happen. They asked me if I could take care of the guitars, and I accepted with joy. I really like the style of Asphodèle, it reminds me a little of the Forbidden Site spirit. There is a primary aspect, a little naive, against the current, in which I fully recognize myself. Wilheim then took care of the battery.
It was a very good experience, I really enjoyed doing it, for once I wasn't "in charge", it's rather relaxing.
The album is coming out soon I hope it will be well received.
It's up to you to conclude:
Thank you Pierre for this interview.
Hoping that everything will end in Joy.