Bienvenue dans ces Crocs du Scribe de fin de décennie. Eh oui, les années 10 s'en vont, les années 20 s'en viennent ! Seront-elles des années folles ? Le temps nous dira. Que peut-on espérer ? De la bonne musique serait déjà une bonne chose, un choc digne du punk serait encore meilleur même s'il a très peu de chances de se produire. En attendant, sur les décombres de 2019, qui fut, quoi qu'on en pense, une bonne année en termes de sorties (cf mon Top 2019 le 20 Décembre) voici quelques offrandes supplémentaires, et pas des moindres. Griiim, le projet de Maxime Taccardi, dont vous connaissez déjà le travail graphique remarquable (encore notable ici sur la pochette, sublime, de l'album, et ce livret tout aussi splendide) et le tout aussi remarquable travail avec son projet KFR et son Black Metal mystique et imprégné de Dark Ambient, Griiim, donc, est pour moi une des révélations de cette année, une des oeuvres peut être les plus représentatives de notre époque. Pénitence Onirique ont mis également "les petits plats dans les grands" pour un album particulièrement abouti et impressionnant. Et enfin, on va squatter un peu chez Antiq avec Dorminn et Tan Kozh. Ca vous dit ? Allez, la suite garçon ! Le Scribe
NUMÉRO 37 - DÉCEMBRE 2019
On connait la qualité des productions de chez Antiq. Récemment encore, la claque fut grande en recevant le dernier Grylle, véritable pépite de musique inclassable et atemporelle. Dorminn propose ici un album (ou EP ?) de quatre titres dépassant tous les 6 minutes, incluant une reprise de Möevöt, projet Dark Ambient de Vord, membre actif des Légions Noires. Au menu, un mélange habile de musique rituelle, une ambiance moyenâgeuse, un chant incantatoire, des instruments folk bien utilisés pour un rendu réellement captivant.
Dès l'inaugural "I" on est pris dans une transe digne de la spirale temporelle /spirale des sens, où l'on entend quelque peu les influences du Dead Can Dance de Serpent's Egg/Aion (qu'elles soient ou non intentionnelles). Nous sommes ici clairement installés en terres chamanes.
Le côté "païen/diabolique" de la chose se joint à nous sur le deuxième titre (vous avez dit "II" ? Bravo !) où il nous parait parfois entendre un Heilung possédé par une cohorte de créatures venues du fin fond des enfers ou d'une forêt hantée par les gobelins. On pense parfois à Mortiis, pour les ambiances, et au neofolk de Death In June. Le chant est saisissant, à mi-chemin entre le reflux gastrique Black Metal et le cri de douleur. Nous sommes ici face à une oeuvre dense et cohérente, dont la folie contagieuse ne doit pas nous voiler l'immense qualité musicale mise en oeuvre.
Cette musique du fond des âges pervertie par une âme noire dont la douleur a tout de contemporain doit nous gagner, et ne plus nous quitter : Dorminn vient de frapper fort, direct au plexus, avec ce disque envoûtant, érotique, délicieusement blasphématoire.
Pagan Black Metal /Death Metal / Neofolk
La Note du Scribe : 😉
Tan Kozh, c'est ce vieux feu païen qui couve, se réveille, et jamais ne rend les armes, quitte à faire semblant pour tromper l'ennemi. Tan Kozh c'est aussi un groupe breton pratiquant une mixture de Pagan Black/Death Metal mélancolique et savoureux. Entamant les débats avec un "troisième fonction" en mid-tempo tout en majesté et épique à souhait, le groupe s'en va surfer sur les plates-bandes
de Morbid Angel, mais un Morbid Angel ayant copulé avec le Black Metal scandinave et français des années 90. La basse est ici un élément vraiment splendide et central : ces descentes de manche de fretless appartiennent bien au jazz (signées par Introspect, ancien des Chants de Nihil) et viennent donner une couleur supplémentaire aux riffs teigneux du groupe. Le batteur blaste lorsque nécessaire (avec des passages qui rappellent notre bon Mayhem) mais sait aussi faire parler la poudre de la lourdeur (après tout, cette musique s'appelle bien HEAVY Metal à la base !). Du coup Tan Kozh peuvent nous brutaliser mais aussi nous caresser dans le sens du poil avec des mélodies chevaleresques du meilleur effet. Un album, qui, comme le bon vin, se bonifie au fur et à mesure des écoutes, pour laisser cette sensation de noblesse que les vrais connaissent.
Seul petit bémol, même si l'album est très plaisant, un certain manque d'originalité et des influences un peu trop évidentes masquent le vrai potentiel du groupe...A suivre !
2019
Esoteric Atmospheric Black Metal
La Note du Scribe : 😀
Attention ! du lourd ! Cet album est une des grandes réussites de 2019, incontestablement. Un Black Metal atmosphérique de haute lignée, parcouru de quelques influences Death point trop envahissantes (on n'est pas ici dans le "blackened...") et venant en renfort pour durcir encore le propos. Car, si le BM de Penitence Onirique est atmsophérique, c'est d'abord d'une atmosphère sombre qu'il s'agit, et d'une atmosphère qui n'empêche pas des poussées de violence et de vélocité qui vous prennent à la gorge.
Posé sur cet autel de marbre, figée dans la sagesse divine des siècles passés, à regarder ce monde perdu s'embraser, de ce regard de saphir pétrifié et gelé, ce corps suprême immaculé, que cette lumière d'azur nappe d'un drap éthéré, et cette peau superbe que l'on ose toucher, que parcourt ce sang bleu que le ciel t'a donné (Extrait de "Le Corps Gelé de Lyse")
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Poétique, maladif, romantique noir, le Black Metal de Pénitence Onirique est une invitation à la peste bubonique : un voyage dans les terres noires rendu encore plus pervers de par la beauté des paysages sonores ici déployés (et bien complétés par un artwork splendide sur le digipack).
Un deuxième album en seulement quatre ans d'existence qui sonne déja comme un aboutissement, celui d'un groupe exigeant, riche de son travail musical profond, mais un travail qui jamais ne couvre un esprit artiste sans fards : une véritable merveille et un des disques de l'année.
Black Metal / Rap Metal / Electro / Power Electronics
La Note du Scribe : 😀😀
Vous connaissez sans nul doute le travail visuel exceptionnel de Maxime Taccardi (notamment ces pochettes de Darkthrone ou Mayhem réalisées avec son propre sang) et son groupe de Black Ambient tout aussi fantastique KFR ?
Nul doute que le bonhomme allait nous surprendre encore avec Griiim, ce projet musical protéiforme, sans clivages, tellement représentatif de notre monde décati et en pleine finitude. Sans limites, l'oeuvre de MT voyage ici entre Black Metal pervers, Rap des égouts, Dark Ambient plus noir que l'antimatière et ambiances sulfureuses. Le chant de sorcière macabre de MT nous transporte au travers de ces titres inclassables et sublimes, où l'on pourrait s'amuser à débusquer quelque influence (le Bowie de Berlin, la Batcave du Virgin Prunes des débuts, la Trap Horrifique que l'on trouve sur Souncloud, un versant Black qui n'aurait pas succombé au "joli" et au "propre" mais au contraire continuerai à véhiculer la noirceur et la maladie, un krautkrock dévoyé, comme si Popol Vuh avait eu un enfant avec XXX Tentacion et Mayhem) mais ce ne serait qu'une façon infime d'aborder cette oeuvre incroyable, dernier pied de nez à un pop(e) art en pleine décomposition, avec le clin d’œil sanglant à Warhol en sus. En Lou Reed/David Bowie/William Bennett des temps modernes, MT nous offre une oeuvre qui peut légitimement porter le nom d'Avant-Garde sans qu'il s'agisse jamais d'un gimmick. Si vous passez à côté, c'est que vous êtes déjà morts, ce qui ne me surprendra pas. Les grandes œuvres d'art sont souvent incomprises, j'aimerai que, pour une fois, celle ci échappe à la règle. Un chef d'oeuvre !