Bienvenue dans ce trente-huitième épisode des Crocs du Scribe...Noël approche, avec son fatras de cousins bourrés qui se mettent sur la gueule, de familles décomposées réunies par obligation, ennui et frustration accompagnent indigestion et gueule de bois. Cette fin d'année, lugubre, ne reverra le jour qu'à sa mort (de l'année) qui sera, espérons, une provisoire résurrection pour les âmes perdues que nous sommes.
En attendant le champagne de mauvaise qualité et le foie gras (votre scribe, ne buvant pas d'alcool et étant végétarien, s'en passera) voici un peu de musique, car, au fond, il ne reste que ça pour nous réunir. Au menu de ce numéro d'avant-Noël, les ukrainiens de Vainturn et leur Doom Metal atmosphérique ; les cultes Osculum Infame et leur Black Metal millésimé ; Scarlxrd et son Trap/Rap énervé et unique ; Nornes et leur Doom occulte fantastique et Trou et leur Noise des plus abrasives et planantes à la fois ! Un menu varié, c'est bon pour la santé !
Le Scribe
Numéro 38 - Décembre 2019
Doom Metal Atmosphérique
En Ukraine on ne passe pas son temps à s'écharper pour savoir si la région du Donbass est russe ou pas, et si le fait d'avoir un ancien comique comme président est un atout ou un problème (après tout, en France nous avons des comiques qui s'ignorent au pouvoir) en tous cas pas seulement : en Ukraine on a aussi de très bonnes fonderies d'où sortent le meilleur Metal qui soit. Les habitués du Scribe ont déjà eu l'occasion de lire mes chroniques de groupes de Black ukrainiens (très bonne scène !). Cette fois c'est du côté du Doom que nous allons lorgner, et pas n'importe lequel, puisque Vainturn pratiquent leur Doom en mode atmosphérique, s'il vous plait !
Leurs Mamkas (mamans en ukrainien) les ayant bien élevés, les deux rudes gaillards du groupe, Grigoriy et Oleksiy ont eu la bonne idée de traduire leurs textes, chantés en ukrainien, en anglais, ce qui va nous faciliter leur compréhension.
Introspectives et intelligentes, les paroles du duo, comme sur "Wake Up" ou "The Day" nous montre un groupe en pleine recherche métaphysique, alors que leur musique, épique et majestueuse, met a l'honneur un chant growlé des plus profonds sur des lits de synthés accompagnant des guitares lourdes et une batterie tribale.
Qui a dit que les ressortissants des pays de l'Est aimaient le Metal bourrin ? (pas moi !) Vainturn illustre d'ailleurs toute la finesse mélodique dont sont capables nos voisins, tout en respectant un cahier des charges "Metal" des plus purs.
Un voyage dans les landes austères et majestueuses des terres de l'est mis en musique, avec le goût parfait dont sait faire preuve The Ritual Productions dans le choix de ses productions. Au final, un groupe fortement addictif et original, qui propose une version inédite du Doom, qui doit autant au Doom/Death des 90's (My Dying Bride ou Paradise Lost) qu'à son identité slave inimitable. Une petite perle à accrocher sous votre sapin !
Real Black Metal
Il est des noms de groupes dont la seule évocation réchauffent l'âme blasée des damnés de cette terre, ceux qui ont goûté aux fruits défendus du Black Metal à la grande époque de ce dernier : lorsqu'il faisait peur, lorsqu'il était dangereux.
Depuis 1993 les parisiens d'Osculum Infame distillent un fiel des plus occultes et du meilleur goût et ne se sont jamais O grand jamais départis de cette aura d'infamie indispensable au processus diabolique de naissance de ce genre aujourd'hui hélas banalisé (et balisé).
Quand rugit Osculum Infame, c'est toute une époque qui vibre à l'unisson, et ce sont de vieux coeurs putrides qui reviennent d'entre les morts.
Toujours actifs (du moins revenus de l'enfer en 2008), les 5 d'OI emmenés par Deviant Von Blakk (également membre fondateur des non moins excellents Arkhon Infaustus) nous ont légués en 2015 ce deuxième lp absolument délicieux de stupre et de sang mêlé. Renforçant leur Black mélodique et noir comme la haine par des assauts industriels parfaitement dosés les pêcheurs du baiser de la honte (au cul du bouc, bien entendu) semblent revenus nous donner une petite leçon de choses : nous rappeler ce qu'est le Black Metal, et qu'il n'a que peu en commun avec des groupes de hipsters tendancieux pour qui le genre se bornerait à n'être qu'un ensemble de sonorités pouvant être utilisées pour chanter les mérites de l'agriculture biologique.
A l'instar de nombre de ses confrères dans leurs œuvres récentes (Ad Hominem, The Order of Apollyon) Osculum Infame a fait évoluer son Black Metal en y glissant subtilement des touches Death Metal des plus réussies (le chant, à la limite du Growling, des guitares bien "métallisées") sans jamais prendre le risque de perdre l'essence du Black Metal satanique du groupe : quand ces derniers hurlent à la gloire de Satan (écoutez le fabuleux "Kaoist Serpentis" messe noire suprême) on frémit, on flippe, ce qui est le but ! La production s'avère parfaite, mettant en valeur chaque partie de chaque morceaux et Osculum Infame de nous prouver que l'on peut évoluer en restant vrai ! Ad Madjorem Sathanas Gloriam !
(Autoproduction 2019)
Vous vous souvenez des débuts de Scarlxrd ? Ce dernier, après une période que l'on pourra qualifier de "Trap Metal" (genre qu'il a quasiment inventé) où il mixait un rap/trap hurlé et énervé, des ambiances morbides et des guitares Metal avec des boites à rythme saturées et qui va culminer avec le chef d'oeuvre Dxxm en 2018 (quel monument !) a semble t'il tourné la page.
Avec ce deuxième album en 2019 après le très bon Infinity Scarlxrd se rapproche encore un peu plus du Rap et quitte (définitivement ?) le côté Metal de la force. Pourtant, comme sur le précédent album, l'énergie est toujours bien là, la colère aussi, simplement elles sont concentrées sur un Rap Hardcore nouvelle formule moins Rock'n'Roll mais tout aussi efficace. La vérité est simple : les albums de Scarlxrd, moins uniquement basés sur le bruit et la fureur, sont plus variés et d'une écoute plus agréable.
Nous verrons si la suite confirme ce virage "street crédible" (malgré les rumeurs persistantes d'un Dxxm Volume 2 !) mais nous sommes sûrs d'une chose : ce mec a un talent fou, une créativité sans limites et il n'a pas besoin de samples de guitares pour sonner "dur": Scarlxrd c'est le son du futur !
NORNES - VANITY
(Autoproduction 2018)
Doom Metal
Nous retournons en territoire Doom Metal avec Nornes, groupe de Valenciennes qui propose ici un EP trois titres particulièrement intéressant. Tout d'abord, le style pratiqué par le groupe, pas si commun. En effet, en matière de Doom, il y a souvent ceux qui proposent un Doom "traditionnel" (école Candlemass ou Cathedral) ancré dans les bases 70's du genre, et ceux qui vont fureter du côté des extrêmes (Doom/Death ou Funeral Doom). Eh bien nos amis du chnors vont taper un peu dans toutes ces catégories sans jamais se disperser. Leur Doom est à la fois fidèle à ses racines rock'n'roll mélancolique de hippies déprimés et pas invités à la fête et va chercher aussi du côté du Doom/Death (les voix, passant du son clair au growling avec aisance, les guitares qui savent groover mais aussi plomber l'ambiance). Avec Nornes, c'est un peu comme si on touchait à la quintessence du genre, une espèce de "best of doom" mais, encore une fois, jamais "soupe de fèves" et toujours au service de titres particulièrement aboutis.
Du côté de l'artwork, comme vous le voyez ci-dessus, le groupe est allé du côté occulte et mystique.
Le désespoir inhérent au Doom est ici palpable, au travers d'ambiances profondément mélancoliques, tout en gardant en tête que le but est bien de créer des chansons. Imaginez Cathedral, Pallbearer et Skepticism faisant une bouffe ensemble (dans le noir avec des bougies bien sûr) et décidant de fusionner en une seule entité et vous aurez une (petite) idée de ce que Nornes exprime. Le mieux étant bien sûr de se jeter sur ce premier Ep qui présage d'un bel avenir pour ce groupe plus que prometteur !
Noise
Il est dans l'underground plusieurs niveaux d'underground : un premier niveau qui pourrait s'apparenter à l'internet "ouvert" couvert par Google et ses amis, avec des groupes qui jouent "façon underground" mais cherchent une visibilité proche du Mainstream. Mais, comme dans l'internet (ou les internets comme on dit maintenant pour faire bien) , les sous-couches sont nombreuses. Comme dans le darknet, l'underground recèle des labels et groupes qui ne cherchent pas forcément beaucoup la lumière, mais dont l'objectif, purement artistique, est de faire découvrir a de téméraires aventuriers, une autre façon d'aborder la musique.
Avec Ciel Bleu & Petits Oiseaux nous abordons le terrain de la noise la plus expérimentale, et Trou est un des "groupes/projets" produits par le label.
Le Scribe AIME la noise, et va bientôt y consacrer un article complet dans lequel vous retrouverez d'autres productions de ce label et d'autres.
PS : l'image ne correspond pas à cet enregistrement
Au menu de ce Cd de promo 2019 (Trou et le label produisant d'ordinaire uniquement des Tapes d'albums ou de Splits) des drones distordus en mode "harsh noise wall"parfois entrecoupés de samples (les cloches du début) mais empreints d'une grande radicalité.
On pense parfois à Vomir, qui d'ailleurs collaborent souvent avec ce label, pour le côté jusqu'auboutiste de la chose. Si vous trouvez que le Black Metal est le sommet de l'extrême, sans doute sera t'il intéressant que vous jetiez une oreille par ici : le sommet est ici atteint. Pourtant, si vous franchissez le pas, une étrange beauté se dégage de ce bruit blanc déglingué, une beauté presque planante, méditative, qui se rapproche de l'ambient le plus "agréable".
Venez tenter le diable avec Trou, vous ne serez pas déçus.
"No Art, No Trend, No Hype, No Scene" est le slogan du label : tout est dit ! Vive l'underground !
PROCHAIN NUMÉRO
QUELQUE PART DANS LE TEMPS
SPÉCIAL NOISE
AVEC LES LABELS CIEL BLEU & PETITS OISEAUX, CROUX, LE TOMBEAU DES MUSES ET DECIMATION SOCIALE
TANT PIS POUR LES MÉLOMANES