JORN "NECROBUTCHER" STUBBERUD
MAYHEM
1984 - 1994
LES ARCHIVES DE LA MORT
EDITIONS LES FLAMMES NOIRES
1984-1994...Cette quasi autobiographie de Necrobutcher, bassiste historique toujours fidèle au poste chez Mayhem couvre une période qu'il est impossible de décrire de façon précise, mais qui ressemble à la madeleine de Proust absolue du métalleux qui approche dangereusement de la cinquantaine, comme votre serviteur.
Ce qui frappe d'abord à la lecture de cette traduction française du livre de Jorn Stubberud aka Necrobutcher, réalisée par Virginie Binet, c'est la beauté de l'ouvrage. On commence par feuilleter, parcourir, naviguer au travers des images toutes plus somptueuses les unes que les autres, et la machine a remonter le temps se met déjà en branle alors même que l'on n'a pas encore lu la moindre ligne du livre.
Car, s'il s'agit d'un beau livre, richement illustré, il ne faudrait pas pour autant en oublier le caractère autobiographique des pages rédigées par Necrobutcher.
Au travers de cette recension des souvenirs du norvégien, nous voici d'abord revenus à une époque que je considère comme bénie, celle de la deuxième moitié des années 80. Nous étions des ados un peu lunaires, et l'on vénérait les dieux métalliques qu'étaient Metallica, Slayer, Anthrax ou Megadeth, et les furibards allemands de Sodom et Kreator, des influences majeures du black metal en devenir, et nous frémissions devant les rockers diaboliques de Venom que nous prenions au pied de la lettre. Nos vestes a patches étaient aussi pleines de ces punks hardcore dont les sonorités faisaient flipper tout le monde (Discharge, GBH, The Exploited et autres Broken Bones). Bientôt nous allions trembler de terreur en découvrant cet étrange objet musical que serait Bathory, qui depuis sa Suède natale allait poser sur vinyle les tables de la loi d'un metal noir comme l'ébène, puant le stupre et la débauche luciferienne. Les jeunes gens de Mayhem s'inscrivent clairement dans cette lignée, en un temps où les genres importaient peu, du moment que les sensations étaient au rendez-vous. Bientôt, comme Necrobutcher, nous serions traumatisés par les ultimes Napalm Death, Carcass et Extreme Noise Terror, et frappés de stupeur a l'arrivée des Morbid Angel, Deicide pour les USA et Entombed et Dismember pour leur death metal crasseux venu de Suède. Ce journal d'adolescence que Necrobutcher nous narre pourrait quasiment être le nôtre, tant l'on se retrouve plongé dans ce temps où les téléphones portables et les réseaux sociaux ne venaient pas nous empoisonner, et où la rareté des disques et autres artefacts de nos idoles les rendaient inaccessibles et magiques !
C'est l'histoire d'une bande de potes, certains venus de la bourgeoisie, comme Euronymous, ou plus prolétaires, comme Necrobutcher, dans un pays profondément marqué par le protestantisme et l'ennui qui accompagne un pays riche et religieux. Une jeunesse écœurée par le côté policé de sa vie, en quête de sensations fortes. D'abord, les galères de jeunesse nous rappellent celles d'autres jeunes gens d'autres groupes, le train façon tchou tchou pour aller jouer a droite a gauche, le manque de fric qui oblige a partager la même assiette à plusieurs. Necrobutcher met sur le même plan des anecdotes de la vie quotidienne, comme le fait qu'Euronymous, qui ne buvait pas d'alcool et ne se droguait pas, était néanmoins accro au coca cola, et les drames qui vont émailler la vie de Mayhem, groupe maudit parmi les maudits.
Nous voyageons avec eux au travers de l'Europe de l'Est et partageons leurs galères, ce qui rend l'écoute du Live In Leipzig encore plus savoureuse. Un ouvrage qui fait la part belle a l'émotion, sans sensationalisme, comme lorsque Jorn nous raconte les enterrements des membres du groupe. On croyait les norvégiens froids et distants, pourtant Necrobutcher fait ici fissurer la cuirasse.
Un beau livre dans tous les sens du terme : esthétiquement et aussi beau pour cette nostalgie qu'il provoque pour un temps perdu que l'on ne reverra jamais, celui de notre jeunesse. Que vous ayez vécu ou pas ces années, que vous ayez vingt ans ou soixante dix, peu importe, voici un ouvrage salutaire qui est a ce jour le plus bel hommage à cet éclair dans le ciel nordique que fut Mayhem (et les autres membres de la scène) un livre qui réussit ce que l’innommable navet Lords Of Chaos a parfaitement raté. Indispensable !
Il ne vous reste plus qu'à commander cet ouvrage aux éditions Les Flammes Noires :
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