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Poésie et Noise Rap : Interview avec Traître Calin - Noise Rap/Experimental
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"N’importe quel aphorisme sibyllin sorti des Chants de Maldoror. Mais je nous verrais davantage figure de style ou erreur de langage : coincé entre l’allitération, le zeugma, l’oxymore et le lapsus"
Traître Calin, c'est un duo français qui pratique une version particulièrement noisy, allumée et expérimentale de rap. Ajoutez a cela un goût de la poésie et du jeu avec les mots dignes de l'Oulipo ou des surréalistes/dadaïstes et vous aurez une idée un peu plus complète. Leurs XIII ex-votos mêlent références bibliques et morbides, sorcellerie et folie digne d'un Diapsiquir. Bref, si vous aimez les aventures musicales sans limites et destinées aux esprits ouverts attardez-vous un instant !
Bonjour à vous deux ! Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs du Scribe ?
Jbaâl : Amis de longue date, on avait déjà collaboré, sur des vidéos d’art performatif et des esquisses sonores. En août 2017, lors d’une soirée arrosée, l’envie de créer un projet musical ensemble s’est fait sentir. On s’est alors mis sur des synthés branchés sur de multiples pédales d’effets pour faire un jam noise, et derrière tout le chaos qui se manifestait, des mélodies sombres sont apparues, un beat et une voix se sont posés naturellement. Le lendemain, en décuvant, on réécoutait nos improvisations et découvrions alors la genèse de Traître Câlin.
Vous pratiquez une forme de rap pas si courante que ça, surtout en France, on pense parfois au Klub des Loosers ou La Caution, mais aussi à des artistes inclassables comme Diapsiquir et aussi a des choses plus industrielles, abrasives, comme Dälek ou Death Grips. Pouvez-vous nous parler de vos influences ?
nAda : Les comparaisons sont flatteuses, je les ai toutes écoutés, mais je pense qu’on en est plutôt détachés, tant par le contexte que par le concept. Pour les deux premières références il y a un ego extrêmement développé, chez Fuzati du Klub comme chez Damien de Diapsiquir ou encore chez King Ju de Stupeflip et c’est une chose que l’on se refuse d’avoir, tant dans notre formation qu’on ne considère même plus comme un duo, mais comme une entité, que dans mes textes où je m’extrais autant que je peux du « Je » et quand je l’utilise, j’essaye toujours de le faire de manière fictive.
Jbaâl : Nos influences sont très diverses, de la variété française au black métal, de la pop anglaise à la scène industrielle, du jazz à la witch-house. Le hip-hop a également une grande place, les groupes que tu cites sont bien sûr des références incontournables pour nous, pour l’originalité de leurs approches, de leurs thèmes et de leurs esthétiques. Plus particulièrement cette dernière décennie la vague dite noise-rap, ou hip-hop industriel, dont Moodie Black, Clipping et tant d’autres nous ont abreuvés.
nAda : Comme le dit Jbaâl, nos influences sont vastes, mais je pense que ce qui va le plus caractériser nos goûts musicaux sont les hybridations, le mélange des genres qui peut amener à des sonorités inédites. Je ne conçois pas l’idée d’écouter un groupe qui ne fait que répéter inlassablement ce qui a déjà été fait ou inventé, sans surprise ne reste que l’ennui. Mais pour Traître Câlin, les influences ne sont pas toutes musicales, on essaye d’avoir d’autre matière en jeu : la peinture classique et d’avant-garde par exemple, dont on se sert pour créer nos visuels ; le cinéma de genre et notamment horrifique dont on va s’inspirer pour composer certaines ritournelles ou ambiances ; la littérature et la poésie aussi.
Votre album « XIII EX-VOTOS » est aussi un bel hommage à la poésie, qui irrigue vos textes. Là aussi, vous pouvez nous dire d'où ça vous vient ?
nAda : Sans grande surprise, de nos lectures. Je lis beaucoup de poésie et c’est par ce médium que j’ai eu mes premières accroches avec l’écriture. Les avant-gardes m’ont énormément inspiré de par la réinvention de l’utilisation du mot, du jeu de leur sonorité parfois au détriment de la compréhension. Je n’écris d’ailleurs pas vraiment les paroles comme on écrit une chanson, la majorité étant écrite en quatrain, j’essaye d’y imposer une rythmique avant que mon flow ne s’en empare. La poésie offre une charge mélodique et une liberté de langage dont je ne pourrais pas me passer et, syndrome de Prométhée oblige, la pratique m’est indispensable si je veux un jour dépasser mes maîtres.
Quels retours avez-vous sur votre album ? Qui est le public de Traître Câlin ?
nAda : Des retours uniquement positifs finalement, plusieurs bonnes chroniques qui flattent l’égo et qui surtout donnent envie de continuer sur cette lancée d’expérimentation et de recherche sonore et littéraire.
Jbaâl : Oui, on a de très bons retours par nos labels, d’autres artistes et des chroniques, pour qui l’album semble être un coup de cœur ou une bonne surprise, en France comme à l’étranger malgré la barrière de la langue.
nAda : Pour ce qui est du public, en a-t-on vraiment un ? Si c’est le cas, il nous est pour l’instant presque inconnu.
Jbaâl : On a du mal à le trouver (rire). Pour l’instant, on observe ceux qui nous découvrent par le biais des réseaux sociaux, il semble aussi varié que peut l’être notre musique.
Si Traître Câlin était une citation ou un proverbe ?
nAda : N’importe quel aphorisme sibyllin sorti des Chants de Maldoror. Mais je nous verrais davantage figure de style ou erreur de langage : coincé entre l’allitération, le zeugma, l’oxymore et le lapsus.
Vos chansons évoquent beaucoup la mort, ce qui est clairement dans l'air du temps en cette ère macabre de covid. Quelle est votre vision du monde dans lequel nous vivons ?
Jbaâl : Une lente continuation de ce qu’il est depuis le début des temps, je pense, sauvage et sans concession.
nAda : S’il avait fallu attendre le Covid pour parler de mort ! J’y ai probablement toujours pensé, la mort est notre ombre, elle nous colle aux souliers, il est impossible de s’en défaire, c’est notre croix ! Ma vision du monde est pragmatique : c’est une fosse à névrose, un monde d’ordure sans grandes surprises et sans magie. Les Dieux sont des idoles risibles et ce qu’ils proposent est à jeter aux latrines, leurs seuls remplaçants honorables sont l’art, l’alcool et l’amour : la seule véritable trinité !
Vos albums préférés de tous les temps ?
nAda : J’ai tellement d’absolus… Pêlemêle je citerais Play Blessure de Bashung, Holy Wood de Manson, Medula de Bjork, Le Sang des Innocents de VII et Littledemo, Board Up The House de Genghis Tron, Street Horrrsing de Fuck Buttons…
Jbaâl : On a des goûts très similaires. À ceux de nAda je rajouterai In the Court of the Crimson King de King Crimson, White Album des Beatles, The Downward Spiral de Nine Inch Nails, The Fat of the Land de Prodigy, Third de Portishead…
nAda : On a failli oublier Alles Wieder Offen de Neubauten, In the Name of Suffering de Eyehategod, Macadam Massacre des Bérurier Noir et certaines merveilles de Iannis Xenakis dont les titres m’échappent !
Votre album ne me quitte plus depuis que je l'ai découvert. Comment expliquez vous qu'un album somme toute abrasif et underground soit si accrocheur ?
Jbaâl : Merci, c’est très flatteur ! On n’essaie pas de faire plaisir quand on créer nos morceaux, on vise l’agressif, le lourd, le méchant, que les sons grattent, que les paroles soient cryptiques. Mais on a aussi envie de vibrer dessus, de bouger la tête, d’exulter. En jouant de ces contrastes, on veut créer de la surprise chez l’auditeur, le sortir de sa zone de confort, en le faisant danser sur un titre noise, en l’écrasant sous des couches de mélodies.
nAda : L’alcool ! Chaque morceau est composé et enregistré sous influence de l’éthanol et d’autres substances et je pense réellement que cela a un rapport. Si ivre, un morceau n’est pas envoutant, il nous ennuie alors on le modifie. Comme le dis Jbaâl, il faut qu’à l’écoute, la tête se mette à bouger et le sourire à se dessiner, alors on sait que la direction choisie est la bonne. Il faut que la musique réveille en nous un certain sentiment de puissance et d’exultation !
Si vous deviez présenter votre travail a une personne qui ne vous a jamais entendu ?
nAda : C’est toujours le même problème lorsque l’on parle de notre duo. Expliquer ce que l’on fait sans être cataloguée dans un genre…
Jbaâl : C’est effectivement très dur pour nous de nous décrire, on ne considère pas ce que l’on fait comme du rap, même si ça en est aussi. Disons que Traître Câlin est une entité qui est née de notre amour de l’art en général, et que son but premier est de tuer les dieux, l’idée même de ce qui doit être supérieur, de ce qui est dit établi, par des groupes de croyants et de suiveurs. Si tu transposes ce concept à ce qui définit les genres musicaux, je pense que tu peux commencer à mieux comprendre notre approche de la musique.
Vos projets ?
Jbaâl : Des clips en préparation pour continuer d’illustrer notre premier album, mais également de nouveaux titres en préparation.
nAda : On travaille actuellement sur un nouveau projet qui sera sans doute un EP de 6 titres ou plus avec certains morceaux davantage tournés vers le Metal.
Le mot de la fin est pour vous :
nAda : Amen
Merci !
traitrecalin.bandcamp.com/album/xiii-ex-votos
www.facebook.com/TraitreCalin/
www.webzinelescribedurock.com/2020/11/review-traitre-calin-xiii-ex-votos.html
"Any sibylline aphorism from the Song of Maldoror. But I would see us more as a figure of speech or language error: stuck between alliteration, zeugma, oxymoron and lapsus"
Traître Calin is a French duo who practice a particularly noisy, crazy and experimental version of rap. Add to this a taste of poetry and play with words worthy of Oulipo or surrealist / Dadaist and you will have a slightly more complete idea. Their XIII ex-votos mix biblical and morbid references, witchcraft and madness worthy of a Diapsiquir. In short, if you like musical adventures without limits and intended for open minds, linger for a moment!
Hello to both of you! Can you introduce yourself to the readers of The Scribe?
Jbaâl : We've been friends for a long time, and we've already collaborated on performative art videos and sound sketches. In August 2017, during a drunken evening, the desire to create a musical project together was felt. So we got together on synths connected to multiple effect pedals to make a noise jam, and behind all the chaos that was happening, dark melodies appeared, a beat and a voice came naturally. The next day, as we were getting older, we listened to our improvisations again and discovered the genesis of Traître Câlin.
You practice a form of rap that's not so common, especially in France, we sometimes think of Klub des Loosers or La Caution, but also of unclassifiable artists like Diapsiquir and also of more industrial, abrasive things like Dälek or Death Grips. Can you tell us about your influences?
nAda: The comparisons are flattering, I've listened to them all, but I think we've been rather detached from them, as much by the context as by the concept. For the first two references there is an extremely developed ego, in Fuzati of Klub as in Damien of Diapsiquir or King Ju of Stupeflip, and that's something we refuse to have, both in our training, which we no longer even consider as a duo, but as an entity, and in my texts where I extract myself as much as I can from the "I" and when I use it, I always try to do it in a fictitious way.
Jbaâl: Our influences are very diverse, from French variety to black metal, from English pop to the industrial scene, from jazz to witch-house. Hip-hop also has a big place, the bands you mention are of course unavoidable references for us, for the originality of their approaches, their themes and their aesthetics. More particularly this last decade the wave known as noise-rap, or industrial hip-hop, of which Moodie Black, Clipping and so many others have given us a drink.
nAda: As Jbaâl says, our influences are vast, but I think that what will most characterise our musical tastes are the hybridizations, the mixing of genres that can lead to new sounds. I don't understand the idea of listening to a band that only repeats tirelessly what has already been done or invented, without surprise only boredom remains. But for Traître Câlin, the influences are not all musical, we try to have other subjects at stake: classical and avant-garde painting for example, which we use to create our visuals; genre cinema, especially horror cinema, from which we will draw inspiration to compose certain ritornellas or atmospheres; literature and poetry too.
Your album " XIII EX-VOTOS " is also a beautiful tribute to poetry, which is a source of inspiration for your texts. Here again, can you tell us where it comes from?
nAda: Not surprisingly, from our readings. I read a lot of poetry and it was through this medium that I got my first taste of writing. The avant-gardes inspired me enormously by the reinvention of the use of the word, the play of their sound sometimes to the detriment of understanding. I don't really write the lyrics the way you write a song, most of them are written in quatrain, so I try to impose a rhythm before my flow takes over. Poetry offers a melodic charge and a freedom of language that I couldn't do without and, as Prometheus syndrome obliges, practice is essential if I want to one day surpass my masters.
What feedback do you have on your album? Who is the public of Traitor Câlin?
nAda: Only positive feedback finally, several good reviews that flatter the ego and above all make you want to continue on this path of experimentation and sound and literary research.
Jbaâl: Yes, we have very good feedback from our labels, other artists and reviews, for whom the album seems to be a favourite or a good surprise, in France as well as abroad despite the language barrier.
nAda: As far as the audience is concerned, do we really have one? If so, it is almost unknown to us for the moment.
Jbaâl: It's hard to find them (laughs). For the moment, we're observing those who discover us through social networks, it seems as varied as our music can be.
If Traitor Câlin was a quote or a proverb?
nAda: Any sibylline aphorism from the Song of Maldoror. But I would see us more as a figure of speech or language error: stuck between alliteration, zeugma, oxymoron and slip.
Your songs evoke death a lot, which is clearly in the air in this macabre covid era. What is your vision of the world we live in?
Jbaâl: A slow continuation of what it has been since the beginning of time, I think, wild and uncompromising.
nAda: If we had had to wait for the Covid to talk about death! I've probably always thought about it, death is our shadow, it sticks to our shoes, it's impossible to get rid of it, it's our cross! My vision of the world is pragmatic: it's a pit of neurosis, a world of rubbish with no great surprises and no magic. The Gods are laughable idols and what they offer is to be thrown in the latrine, their only honourable replacements are art, alcohol and love: the only true trinity!
Your favourite albums of all time?
nAda: I have so many absolutes... I would quote Bashung's Play Blessure, Manson's Holy Wood, Bjork's Medula, VII's Blood of the Innocents and Littledemo, Genghis Tron's Board Up The House, Fuck Buttons' Street Horrrsing...
Jbaâl: We have very similar tastes. To those of nAda I would add In the Court of the Crimson King by King Crimson, White Album by The Beatles, The Downward Spiral by Nine Inch Nails, The Fat of the Land by Prodigy, Third by Portishead...
nAda: We almost forgot Alles Wieder Offen by Neubauten, In the Name of Suffering by Eyehategod, Macadam Massacre by Bérurier Noir and some marvels by Iannis Xenakis whose titles escape me!
Your album hasn't left me since I discovered it. How do you explain that an album that is all abrasive and underground is so catchy?
Jbaâl: Thank you, it's very flattering! We don't try to please when we create our songs, we aim at the aggressive, the heavy, the nasty, that the sounds scratch, that the lyrics are cryptic. But we also want to vibrate on it, to move our head, to exult. By playing these contrasts, we want to surprise the listener, to take him out of his comfort zone, by making him dance to a noisy track, by crushing him under layers of melodies.
nAda: Alcohol! Every track is composed and recorded under the influence of ethanol and other substances and I really think that this has something to do with it. If drunk, a track is not bewitching, it bores us, so we change it. As Jbaâl says, when you listen to it, your head has to start moving and you have to smile, so you know that the direction you're going in is the right one. The music has to awaken in us a certain feeling of power and exultation!
What if you had to present your work to someone who has never heard you?
nAda: It's always the same problem when we talk about our duet. Explain what we do without being pigeonholed into a genre?
Jbaâl: It's indeed very hard for us to describe ourselves, we don't consider what we do as rap, even if it is. Let's say that Traitor Cuddle is an entity that was born out of our love of art in general, and that its primary goal is to kill the gods, the very idea of what must be superior, of what is said to be established, by groups of believers and followers. If you transpose this concept to what defines musical genres, I think you can begin to better understand our approach to music.
What are your plans?
Jbaâl : Clips in preparation to continue illustrating our first album, but also new titles in preparation.
nAda: We are currently working on a new project that will probably be an EP of 6 or more tracks with some songs more oriented towards Metal.
The last word is for you :
nAda : Amen
Thank you!
traitrecalin.bandcamp.com/album/xiii-ex-votos
www.facebook.com/TraitreCalin/
www.webzinelescribedurock.com/2020/11/review-traitre-calin-xiii-ex-votos.html
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