THROANE - ULCERATE - AVERSIO HUMANITATIS - SELBST - CULTUS PROFANO - AKHLYS
Ce qui est plaisant pour un Scribe, c'est de parler de musique qu'il aime...première chose, et si, cerise sur le gâteau, ladite musique cherche a reculer quelque peu les frontières de la banalité pour jouer les défricheuses et nous sortir la tête de ce trou noir covidien dans lequel nous sommes en train de nous étioler sans espoir ce n'en n'est que mieux...Avec Debemur Morti, je ne prends pas de gros risques. Choisir le label de mon artiste black metal préféré, Vindsval, n'a rien d'une difficulté, puisque la bande à Phil ne sélectionne que les meilleurs parmi les meilleurs, et aussi les plus originaux ! Ainsi, nous allons ici retrouver non sans plaisir les folies de Dehn Sora et son Throane qui nous en revient pour un EP composé d'un titre pas piqué des vers, mais aussi les tortueux architectes du death metal cinglé, Ulcerate, et l'on ne s'arrête pas là messieurs dames, puisqu'au rayon black metal qui sonne pas comme les autres, on continue la route avec les espagnols d'Aversio Humanitatis, les vénézuéliens de Selbst, le duo américain Cultus Profano et son black metal classique noir de charbon et enfin Akhlys et leur black metal hypnotique. Que du bon, que du profond, que du spécial ! Car, voyez-vous, le scribe aime beaucoup le black metal, mais il écoute toutes sortes de musiques, et Debemur Morti c'est la crèmerie idéale pour moi : du black et du death, certes, mais toujours des groupes d'une grande originalité et d'une fiabilité underground totale ! So be it ! Hails to Debemur Morti !
Dehn Sora est un infatigable explorateur musical, doublé d'un artiste aux facettes multiples (on ne présente plus ses travaux graphiques pour Blut Aus Nord, Yeruselem et bien d'autres, si vous suivez le Scribe vous en avez déjà vu passer pas mal ! C'est ici son entité Throane qui est a l'honneur, et j'avais déjà dit tout le bien que je pensais du dernier album en date (si tu me crois pas tu trouveras le lien en bas de page). Throane, a l'instar de ce que peut faire Vindsval au travers de ses différents projets, est un OMNI (objet musical non identifié) qui concentre brillamment diverses influences musicales (dark ambient, Noise, Industriel, Doom, musique cinématographique) autour d'une base black metal.
Ici Dehn se livre a un exercice difficile, voire périlleux pour ceux qui n'en n'auraient pas les capacités, sortir un EP avec un seul long titre dessus. Autant, avec du génie, c'est l'éclate, autant, quand c'est foireux c'est foireux.Pour être tout a fait honnête avec vous, je n'avais pas beaucoup d'inquiétude avant d'écouter mon fichier audio promotionnel. Je connais les capacités de Dehn Sora, je sais de quoi il est capable. Dès la première minute le décor est planté : les riffs maladifs et cauchemardesques viennent nous sortir de notre rêverie pour nous trimbaler dans un monde digne de Freddy Krueger (eh ! j'avais rien demandé moi !) avec des décors d'acier crissant et de rouille mortifère.
Terreur, angoisse, désespoir, sont des adjectifs qui viennent a l'esprit a l'écoute de cet effort unique, que l'on écoutera peut-être pas tous les matins au petit déj mais qui a le mérite certain de repousser les frontières de la noirceur et des abysses musicales.
Throane, avec cet Ep, confirme tout le bien que l'on pense de lui : cette capacité a incarner une alternative a un black metal devenu par trop standard, et cette vraie "âme" d'artiste...Beau, et cruel...
Aux confins du death metal metal le plus inhabituel et du black metal le moins orthodoxe se niche une terra incognita progressive et expérimentale venue de Nouvelle Zélande nommée Ulcerate. Stare Into Death And Be Still s'avère un album difficile a ingérer d'une traite, mais d'une qualité qui ne dépareillera pas avec le catalogue du label...
Ulcerate ou l'avenir du death metal ? Tout dépend ce que l'on recherche ! Par respect pour tous les amateurs de boucherie primitive a la Autopsy (dont je suis grandement) je ne peux me permettre d'émettre une sentence aussi définitive, mais ce maelstrom de death ultra technique (on pense aux fabuleux Cryptopsy) et de post-tout (death & black confondu) peut bien sembler déstabilisant, voire désagréable aux premières écoutes, il n'en demeure pas moins que sa vertu expérimentale est un apport au metal extrême au sens large, lui donnant des clés supplémentaires qui le rapprochent de musiques plus progressives, voire même du jazz. Les riffs, heureusement, ne boudent pas complètement la mélodie et ne se complaisent pas dans des dissonances qui deviennent un peu systématiques et lassantes (cf les très moyens derniers méfaits de Deathspell Omega) mais vont chercher dans des inspirations que ne rejetterait pas Neurosis quelque chose qui dépasse le metal, qui le transcende.
Les néo-zélandais, dont la communication se fait au compte gouttes (peu d'interviews, pas de commentaires superfétatoires) incarnent une forme d'art dissidente qui prend ici toute sa place, s'épanouit sur la durée de cet opus épuisant mais dont l'effort d'écoute est hautement récompensé.
Ulcerate vient de lâcher, avec cet album, un véritable missile d'expérimentation, un voyage malaisé dans des contrées hostiles, qui redonne toute sa noirceur et sa capacité d'effrayer au metal extrême le plus exigeant.
Le black metal est devenu un sous-genre tellement "tendance" ces dernières années qu'il a en grande partie perdu tout son pouvoir méphitique. C'était dans la rareté et l'effet de surprise que le genre s'est fait une place unique au panthéon des musiques extrêmes. Devenu un "sous-genre de metal comme les autres", il a enfanté (et continue a enfanter) un nombre bien trop important de sorties dont il est difficile de penser que toutes valent la peine d'une écoute. La tâche (immense) des madrilènes d'Aversio Humanitatis est de conjuguer un degré d'exigence constant vis a vis des fondamentaux du genre tout en continuant à le faire évoluer. Pari réussi avec ce Behold The Silent Dwellers.
Deuxième album des espagnols, cet opus s'inscrit d'emblée comme l'un des plus inspirés de cette année bizarre et tordue. On retrouve ici avec un immense plaisir ce qui nous a fait vibrer dans le black metal (je pense aux groupes comme Seth pour le côté classique mais aussi a Blut Aus Nord ou Behemoth des grands jours pour cette capacité a conjuguer des mélodies vénéneuses) et une volonté de faire sauter les barrières, quitte a s'éloigner parfois des fondamentaux et rentrer dans les territoires plus "post". Le chant de A.M. (aka Frozen) qui marie a la perfection voix presque claire a la Niklas Kvarforth et cris plus "ghoulesques" est un des atouts majeurs de ce groupe pas comme les autres. Nous retrouvons ici cumulés les bénéfices de la latinité du groupe (cette capacité a diffuser les émotions) et une base plus froide, assez proche de l'Europe de l'Est en général et de la Pologne en particulier.
Avec cet album les ibères d'Aversio Humanitatis (bientôt en interview dans le scribe du rock)reconcilie les amateurs de "true black" et ceux en quête d'une nouvelle façon de faire sonner le metal noir...Un album indispensable !
Depuis 2010 le one-man band vénézuélien Selbst, piloté par un certain N conjugue avec bonheur un black metal aux couches multiples, entre les expérimentations tortueuses de Deathspell Omega, le bm islandais si particulier de Misþyrming ou les influences plus mélodiques de Mgla et Uada...
Ce nouvel opus, nommé "Relatos De Angustia" (histoires d'horreur en français) perpétue ce black metal individualiste et profondément antireligieux en nous envoûtant de par les multiples facettes de chaque morceau, complexes, riches sans être étouffants, laissant suffisamment de place a expérimentation sans pour autant oublier de sonner noir comme le charbon.
Les atmosphères hyper mélancoliques que le "groupe" déploie ne sont pas si éloignées d'un certain dsbm (celui qui n'a pas rompu les amarres avec la maison mère black metal pour tomber dans l'emo pop) tout en gardant une majesté et une agressivité intenses et bouillonnantes. Les guitares sillonnent le cerveau, gravant ça et là autant de pluie noire que possible, le chant semble agoniser tout du long, tandis que la batterie passe de blast-beat d'une effrayante virulence a des mid-tempi plus sophistiqués, quasiment progressifs.
La signature de Debemur Morti, une fois de plus, nous garantit de ne jamais voir cet album fléchir vers quelque banalité, et l'on se laisse emporter tout au long de ce sombre voyage en sept longs titres.
Selbt redonne un sens au terme "post black metal" avec cet album : celui d'un courant qui garderait l'essentiel du genre originel pour lui adjoindre les atours d'une modernité peu rassurante.
Accursed Possession ! Une possession maudite ! Les américains de Cultus Profano reviennent des enfers avec un deuxième album dans lequel Advorsus (Sadistic Intent, Imperial Decay) et Strzyga redoublent de talent blaphématoire pour répandre le sacrilège le plus malsain autour d'eux !
C'est cette fois dans le chaudron méphitique de la seconde vague du black metal que ces yankees damnés trempent leur plume. Debemur Morti a souvent tendance a nous faire entendre des groupes dont le principal souci est l'expérimentation autour du noyau bm, mais ce n'est pas le cas de ce culte profane, qui s'épanouissent dans un black metal occulte et old school.
Glacial et impitoyable, le metal noir des angelenos ne se contente pas de marteler, et se fait épique et atmosphérique, mais attention ! Une atmosphère noire de suie et malsaine, loin de toute velléité post-rock...
Cet opus maudit vous transporte dans un voyage maléfique au travers des abysses les plus nauséabondes, ici tout n'étant que ténèbres et diableries les plus éloquentes. Ce black metal majoritairement joué dans un mid-tempo écrasant ravira tout sur son passage, et son infinie froidure saura vous glacer jusqu'aux sangs. On pense bien sûr au bm norvégien des années 90, Immortal en tête, pour le côté lourd des tempi, mais en beaucoup plus satanique.
Plonger dans "accursed possession" c'est s'assurer un trip intranquille dans des contrées d'où le givre et l'obscurité ne s'en vont jamais. Cultus Profano comme une piqûre de rappel pour ne jamais oublier ce que black metal veut dire !
Troisième album en dix ans pour les américains d'Akhlys. Ayant d'abord trempé leurs guêtres dans le dark ambient, c'est désormais dans un black metal furieux et grandiose que s'épanouissent ces ressortissants du Colorado. La preuve avec "Mélinoë", splendide nouvel opus prête a fondre sur vous comme le rapace sur sa proie.
Colérique et grandiose, le black metal épique d'Akhlys s'inscrit dans les traces macabres de ses compatriotes Nighbringer, mais aussi le côté le plus black metal de Blut Aus Nord (la série des What Once Was Liber) pour nous donner un résultat qui donne le vertige et la nausée, a cheval entre un metal noir impitoyable et guerrier et son versant plus expérimental, avec des riffs venus d'outre espace.
Pour tous ceux qui pensent que le black metal est mort, une écoute de ce Mélinoë s'avère indispensable : quand un groupe garde la conviction et la hargne nécessaire, on voit revenir ce que l'on a aimé dans le genre : cette noirceur étouffante, cette violence vicieuse, avec, comme cerise sur le gâteau, une originalité permanente qui dresse les américains sur les échasses qui permettent de dominer la meute des pseudo-groupes de black qui fourmillent.
Gros son, riffs qui tuent, batteur qui terrasse, vocaux qui arrachent l'âme du cervelet : Akhlys ne fait pas dans la dentelle, mais pourtant, malgré la haine dégagée, palpable, cet album gagne a chaque écoute le coeur du mélomane...
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