"Les deux autres projets en cours sont deux romans. L'un mettant en scène une journaliste paumée qui se retrouve un jour avec une sorte de don de médium. Un récit un peu plus cru, plus mâture et violent que Masca je pense. Et cet autre roman qui est le prolongement de l'univers de ma nouvelle M.E.T.A. Autant dire que la musique de Naïve et celle de Zeal & Ardor vont tourner en boucle sur ma platine !"
Adeline Avril s'est laissée séduire par le travail de l'autrice Valérie Stein. Cette dernière mélange dans ses textes horreur et fantastique sur un fond metal omniprésent. Il était donc plus que logique que le Scribe s'y penche ! A noter que nous avions déjà publié une interview croisée de Valérie avec Saad Jones (dont vous pouvez retrouver le lien en bas de page). Cet échange entre femmes aborde, entre autres, Edgar Poe, Rotting Christ, l'amour perdu et les fantômes...Bonne lecture de l'interview et qu'elle vous donne envie de vous pencher sur les écrits de Valérie ! (tous les liens nécessaires sont en bas de page) Pierre
Ton premier livre, Masca, était étonnant, certes très inspiré
d’un univers que l’on retrouve dans le metal, entre horreur et
mythes, mais dégageant, aussi , un style très “gothique”, préfères tu Poe ou Lovecraft?
Wahou,
merci pour cette belle entrée en matière ! En vérité je
connais l'univers de Lovecraft mais je n'ai jamais lu un seul de ses
livres. En ce moment je dévore « Celle qui n'avait pas peur de
Cthulu » de Karim Berrouka (de Ludwig von 88) qui est un auteur
absolument génial ! Outre un humour détonnant et un sens de
l'humanisme prononcé, il a un vrai talent pour manier la langue et
ses livres sont d'une fluidité redoutable. Je vais donc choisir Poe
sans hésiter. Son univers sombre et romantique me correspond plus.
« Double assassinat dans la rue morgue » fait partie pour
moi des incontournables que tout le monde devrait avoir lu dans sa
vie.
Si tu devais résumer Masca en une seule phrase? (Avoue que c’est
difficile sans dévoiler les rebondissements!)
En
une seule phrase vraiment ? C'est l'histoire d'un amour perdu,
de fantômes et de terribles secrets... J'ai toujours énormément de
mal à expliquer le pitch de mon histoire. Je crois que c'est
l'exercice le plus difficile qui soit.
Ces
thèmes sont-ils cathartiques, pour toi?
Je
crois qu'on peut parler de catharsis en ce qui concerne les aspects
féministes. Pour les autres thèmes développés, comme ce qu'il
advient d'une âme après la mort, la manière dont les traces du
passé peuvent nous hanter, les échos que l'histoire peut laisser
dans notre présent, la perte d'un être cher... je dirais qu'écrire
a plutôt été une manière d'exprimer des pistes de réflexion. Je
me suis nourrie de questionnements qui m'inspiraient et
m'interpellaient à un moment donné mais pas forcément de choses
qui m'obsèdent.
Quel
rôle joue la musique au moment où tu écris?
La
musique est ma source. Elle m'abreuve en permanence dans ma vie de
tous les jours. Lorsque j'écris, elle me guide comme une muse.
Parfois je choisis un album en particulier pour l'ambiance qu'il
dégage. Cela m'aide à donner une substance particulière aux
phrases que je vais écrire. Pour Masca, l'album qui m'a le plus
accompagnée fût Rituals
de Rotting Christ. À d'autres moments, c'est la musique elle-même
qui fait surgir les idées en moi. Par exemple, j'ai écrit une
nouvelle appelée M.E.T.A. que m'a inspirée Altra
de Naïve. J'aime tellement cet univers que je suis en train de
développer un roman sur ce thème. Lorsque j'écoute cet album, je
vois des images précises : une ville moderne, la nuit, les
lumières artificielles, un métro aérien qui glisse au loin... et
tout un tas d'impressions, de sentiments. Quelque chose de sensuel et
dérangeant. Et j'ai envie de laisser cet univers prendre vie sur le
papier. De raconter ces histoires qui poussent à l'intérieur de
moi.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire et notamment de te
lancer dans l’aventure de l’écriture au long cours?
C'est
difficile à dire car j'ai l'impression d'avoir toujours écrit.
Depuis ma plus tendre enfance. Des histoires, des poèmes, des
lettres immenses, des chansons... L'écriture me colle à la peau. On
ne peut pas dire que j'aie envie d'écrire. Ce serait comme de dire
que j'ai envie de manger ou de respirer. C'est un besoin inhérent à
ce que je suis. Je ne sais pas si ce que j'écris vaut la peine
d'être lu. J'aime écrire, les idées s'imposent parfois. Ce sont
elles qui commandent en fait. Masca est le premier roman que je sois
parvenue à mener jusqu'au bout. Cela a été très long. Jusqu'à ce
que je me dise : « Voilà, j'ai terminé la dernière
phrase. » je n'étais pas certaine de mener ce projet jusqu'à
son terme. À aucun moment je me suis dit, tiens je vais écrire un
livre. C'est plus comme si un jour j'avais constaté que l'une de mes
histoires était en train de prendre de l'ampleur. J'ai plutôt été
surprise moi-même, comme si j'avais constaté avec étonnement que
j'étais en train d'écrire un roman. Je crois qu'écrire est aussi
un lien avec ma grand-mère qui était la personne de ma famille qui
me ressemblait le plus. Elle écrivait des articles de journaux et je
crois qu'elle m'a transmis certaines de ses passions comme la cuisine
et le fait de raconter des histoires.
Quel
groupe ou artiste de musique te semble le plus proche de ton univers
d’autrice?
Intéressante
question ! C'est assez difficile de répondre parce que je pense
avoir différents univers. Je crois que ma manière d'écrire est
reconnaissable, mais les genres que j'explore peuvent être très
différents les uns des autres. Je m'éclate autant à développer
une histoire gothico-horrifique comme Masca, qu'à m'égarer dans les
affres de la SF façon Blade Runner ou à inventer des petits contes
mystérieux à la manière de la tradition orale nord africaine ou
européenne... Pour Masca et les autres récits qui vont en découler,
je pense que des groupes folks comme Arkona ou progressifs à
tendance onirique comme Disillusion correspondraient bien. Quant à
ma « personnalité d'autrice » je vais opter pour le
groupe qui me ressemble en tant qu'être humain, ce serait mon groupe
préféré Katatonia. Blakkheim est le compositeur qui me parle le
plus. Son univers est incroyable, tellement varié ! Ses projets
peuvent être sombres et mélancoliques comme plein d'humour ou de
hargne. Si un jour mes écrits ont le dixième de l'ampleur de la
musique de Katatonia, je pourrai m'estimer comblée.
 |
| KATATONIA |
Tu
es toi-même musicienne. Est-ce que tu écris des chansons?
L’écriture de textes pour la musique est-elle différente
pour toi de l’écriture d’un livre entier, ou d’une nouvelle?
Oui il m'arrive de composer de temps en
temps. C'est une activité que j'aimerais développer plus. Écrire
de la musique est en effet un mécanisme totalement différent, pour
moi, de celui d'écrire une histoire. Il se rapproche par contre du
processus d'écriture d'un poème. C'est quelque chose de plus flou,
de plus viscéral. Je suis moins dans la précision et plus dans le
ressenti brut. Et les mots ne sont plus seulement quelque chose qui a
du sens mais aussi des sonorités, des rythmes, des notes. Lorsque
j'écris un poème ou une chanson, cela répond au besoin d'exprimer
des choses que les mots habituels ne suffisent pas à transmettre. Je
vois une deuxième question dans ta question car écrire une nouvelle
est également différent d'écrire un roman. Un écrit court donne
plus de liberté, c'est quelque chose de plus « joyeux »,
de moins pesant qu'un roman. Pour résumer, disons que pour moi,
musique et poésie sont abstraits et romans et nouvelles plus
figuratifs.
J’ai lu la nouvelle que tu as
écrite pour Librinova (Lire), forcément dans un style plus incisif
et plus rapide en ce qui concerne le développement de l’action,
puisque le format induit une temporalité différente. Est-ce que tu
as l’impression d’aller vers une écriture différente, au fil
des années, ou bien c’est le format qui te pousse à expérimenter?
Merci à toi d'avoir pris le temps de
lire cette petite nouvelle ! Tu parles de « La fuite » ?
En effet le format d'une nouvelle induit une temporalité différente
ainsi que d'autres différences très intéressantes à exploiter. La
nouvelle permet de laisser des choses dans le flou, par exemple, tu
peux te permettre de faire comme un instantané, sans forcément te
sentir obligée de développer un avant et un après... C'est un
format génial ! Dans le cadre d'un concours il y a aussi la
dimension des contraintes imposées par la thématique. Parfois c'est
une phrase qu'il faut insérer, souvent le nombre de mots est limité,
parfois ce sont des thèmes que tu dois obligatoirement inclure dans
ton histoire. L'écriture sous contrainte est un exercice très
enrichissant et stimulant. C'est vraiment comme un jeu qui met à
l'épreuve la créativité. Avec le temps qui passe, j'ai en effet
envie d'explorer des territoires d'écriture variés. Mais je sais
que certains domaines ne sont pas les miens comme le feel good par
exemple ou le réalisme.
Quels sont tes projets en cours
d’écriture et de publication?
J'ai trois gros projets. D'abord un
recueil de nouvelles. Je commence à avoir un petit paquet d'écrits
courts. Lorsqu'il sera suffisamment étoffé j'aimerais bien le
publier en un seul bloc. Parmi ces nouvelles, il y a une suite de
Masca intitulée Bruèis, inspirée par l'un des personnages du roman
et par un tableau magnifique d'Aurore Lephilipponnat dans la série
Shaman. J'ai découvert cette artiste avec le sublime artwork qu'elle
a réalisé pour l'album « Vestige » de Pénitence
Onirique. Quand j'ai découvert ce tableau de la série Shaman,
j'étais scotchée ! On aurait dit une illustration parfaite
d'un personnage de Masca ! Tout y était, la magie, la féminité,
les corbeaux... Donc voilà, il y a ce projet de recueil de
nouvelles. Les deux autres projets en cours sont deux romans. L'un
mettant en scène une journaliste paumée qui se retrouve un jour
avec une sorte de don de médium. Un récit un peu plus cru, plus
mâture et violent que Masca je pense. Et cet autre roman qui est le
prolongement de l'univers de ma nouvelle M.E.T.A. Autant dire que la
musique de Naïve et celle de Zeal & Ardor vont tourner en boucle
sur ma platine !
Quel est ton auteur ou autrice
préférée, que cela ait avoir avec ton propre champ
d'expérimentation ou non?
Mon auteur préféré reste Stephen
King. Il peut être parfois mal jugé, perçu comme le maître de
l'horreur alors que c'est beaucoup plus subtil que ça ! C'est
le maître incontesté dans tous les domaines de l'écriture. Il sait
être d'une précision redoutable dans ce qu'il souhaite exprimer, il
trouve le sujet le plus juste et la manière la plus efficace de
dérouler une histoire. Mais là où il est le plus fort c'est dans
son humanité. Ses personnages sont les plus attachants qui soient.
La manière dont ils interagissent les uns avec les autres est juste
géniale. Chaque fois que je commence un de ses livres, je me dis que
putain, ça reste vraiment lui le meilleur ! Sa saga de la Tour
sombre est pour moi l'écrit qui renferme toutes les vérités de
l'univers. Je pense que mon écriture n'a rien du tout en commun avec
celle de Stephen King. J'aime aussi énormément Robin Hobb et son
écriture rude, terreuse et poétique, comme un animal au pelage
soyeux et aux crocs acérés.
Qu’est-ce que tu lis en ce moment?
Je lis toujours plusieurs livres en
même temps. Je suis donc sur « Celle qui n'avait pas peur de
Cthulu » de Karim Berrouka, la BD « Gung Ho » que
je trouvais super au début mais que finalement je trouve ennuyeuse
et sexiste (je dois terminer le tome 5 pour pouvoir revendre le lot),
« Ma voix t'accompagnera » de Milton Erickson parce que
je viens d'obtenir mon diplôme d'hypnothérapeute et « La
cantine de minuit » un manga absolument génial de Yarō Abe
qui parle des paumés de la nuit Tokyoïte et de bouffe.
Qu‘est-ce que tu écoutes en ce
moment?
Pour les écoutes, je viens de
découvrir Zeal & Ardor qui me fait vibrer jusqu'à la moelle,
les italiens de Messa, Grandma's Ashes dont j'aime l'originalité et
la personnalité et Igorrr avec son univers baroque déjanté
sublime. Et mes incontournables chouchous : The Erkonauts,
Rotting Christ, Katatonia, Soilwork, Samael et Idles dont je ne passe
pas une semaine sans écouter au moins un titre, c'est du concentré
de pure énergie. Ah oui, il y a aussi Senbeï que j'écoute beaucoup
en ce moment, c'est de l'électro hip hop français somptueux, je
recommande fortement son album Tōitsu.
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| ZEAL & ARDOR |
Qu’est-ce que je peux te souhaiter
en tant qu’autrice?
De surmonter les trous noirs sans
inspiration... Et de continuer à faire de belles rencontres car
c'est le plus beau cadeau qu'apporte l'écriture.
Adeline Avril pour Le Scribe du Rock
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