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JOURS PÂLES /// Interview avec Spellbound - Metallian/Le Scribe du Rock - Version Intégrale
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Ceci est la version intégrale de l'interview que Spellbound de Jours Pâles m'a donné pour Metallian.
Le Jour s'est levé
Jours Pâles fait partie de ces groupes qu'il est difficile d'enfermer sous une étiquette, tant mieux. Avec Tensions le bébé de Spellbound revient distiller sa tristesse et sa rage à la gueule d'un monde qui le mérite bien. Merci à Spellbound d'avoir si bien joué le jeu de l'interview
Salut Spellbound, merci à toi de répondre à nos questions...Deux albums en deux ans pour Jours Pâles, vous n'avez pas chômé ! Alors que Tensions voit le jour le 22 décembre, peux-tu nous parler du travail spécifique sur cet album, et l'évolution depuis éclosion ?
Spellbound : Salut et merci pour tes questions. L’album n’a pas réellement été travaillé différemment par rapport à Eclosion. C’est toujours moi qui me pose avec une guitare et qui compose les meilleures idées possibles. J’ai sûrement acquis une technique un peu plus acérée avec mes instruments, ce qui m’a permis d’écrire des chansons plus matures, plus poussées que sur Eclosion probablement. Ce qui change par contre c’est les musiciens qui gravitent autour du projet. Alors que pour le premier album j’avais une équipe "internationale" composée de gars dont je suis ultra fan (Graf de Psychonaut 4, Christian Larsson de Gloson et ex-Shining, ex-Apati à la basse, James Sloan de Uada aux guitares) cette fois-ci j’ai réalisé qu’avoir un line-up centré géographiquement autour de moi allait me servir et simplifier les choses. En plus d’être des musiciens hors-pairs, les gars qui jouent désormais avec moi sont proches de là où j’habite et la proximité a été importante pour tout ce qui a entouré l’album au niveau organisationnel. L’autre "évolution " si ça en est une, c’est sûrement mon état d’esprit. Peut-être encore plus mélancolique mais surtout plus rageur, plus en danger que lors des sessions d’écriture et d’enregistrement d’Eclosion. Ça se répercute sur la direction finale de Tensions car tu vas retrouver plus d’agressivité, un côté peut-être plus frontal sur certains morceaux, même si on reste quand même toujours enveloppé d’un voile dysthymique sur l’ensemble du disque. Je veux dire, ce n’est pas du brutal death technique ou du raw black metal.
Vous jouez une musique riche et variée sur une base black metal, avec des éléments thrash, post-punk, ces voix claires qui viennent se heurter aux voix saturées, toujours beaucoup de mélodies mais toujours beaucoup de puissance...comment en êtes-vous arrivés à ce maelström musical ?
Spellbound : Sincèrement, je n’y réfléchis pas. J’essaye juste de jouer ce que j’ai envie d’entendre. Il se trouve que j’ai toujours eu des influences diverses et variées, que j’écoute et pioche dans tous les domaines musicaux en tant que consommateur de musique et que je ne m’impose aucune barrière spécifique. Rap, electro, rock, variété française, metal extrême etc. Beaucoup de choses peuvent me toucher. J’évite le blues et le jazz, et j’écoute peu de musique classique. Toujours est-il que ça joue sûrement dans le mélange de styles que tu évoques et qu’on retrouve au sein de Jours Pâles. Ce qui me guide, ce sont mes ressentis sur le moment, ce que j’ai envie de retranscrire vis-à-vis de mes états d’âme quand je me retrouve à composer, bien plus que l’idée de jouer tel ou tel style de musique. L’autre fois on était en concert avec Aorlhac en Belgique, et un des gars a balancé du Whiskey Ritual sur la route. Putain, ce truc est tellement bon. Comment tu veux définir ce groupe ? C’est juste une putain de claque dans la gueule. C’est ça que j’imagine pour les gens qui vont écouter Jours Pâles. Avec une amorce différente.
Éclosion signifiait la naissance du groupe, après le split d'Asphodèle, De quelles tensions parlez-vous ici ?
Spellbound : Éclosion était une réponse à la fin d’Asphodèle, tout autant qu’un désir de simplement continuer ce que j’avais commencé à créer à l’époque en duo avec Audrey Sylvain et qui s’était brutalement arrêté pour des raisons dont je n’ai pas d’intérêts particuliers à les développer ici. Les tensions dont je parle sont tout autour de toi, tout autour de nous, à chaque instant, et de plus en plus prégnantes, imposées, étouffantes. Je suppose que pour beaucoup de gens, il ne sera pas utile de faire un dessin quant à ce dont je parle, même si globalement l’album reste la plupart du temps sur une ligne tout à fait personnelle et intime vis-à-vis des textes. Nous vivons dans une dystopie infernale, je crois que l’album parle de ces tensions là, celles du marasme quotidien dans lequel nous pataugeons. A l’heure de la désinformation permanente, des interdits, du manque de liberté d’expression, et bien je ressens le besoin de dire à ma manière et en musique que j’ai un œil éclairé sur tout ça, et j’imagine que d’autres s’y retrouveront. Même si je sais à quel point le but est vain, il est tout personnel et sert au moins à désengorger un instant un peu le trop plein de mal-être qui réside en moi. Il y a donc une dimension critique envers un monde dans lequel je ne me reconnais pas, et puis aussi des choses plus intimes. Il y a un titre qui s’appelle "Ode à la vie (chanson pour Aldérica)" et qui est un hommage à la naissance de ma fille, il y a un texte sur ma manière de voir les choses à propos du pass, du Covid et de toute cette période débile, il y a un texte sur la lassitude du quotidien, un autre sur la difficulté des addictions, bref. Du Jours Pâles parfois remonté à bloc, parfois recru de désespoir, mais presque toujours sous l’emprise d’un mal-être prégnant.
Votre album est chargé de mélancolie...d'où vous vient-elle ? De quoi cette mélancolie est-elle le symbole ?
Spellbound : Elle vient de moi. Elle n’est, au travers de ces quelques textes et chansons, qu’un symbole, qu’un miroir de mes propres tristesses. Je crois que mon cerveau n’a jamais été formé au bonheur. Peut-être à cause d’une structure familiale complexe et parfois déséquilibrante, peut-être à cause du fait que j’ai très tôt lâché le cursus scolaire traditionnel, que je navigue depuis toujours entre ennui et désarroi, que rien ne m’intéresse vraiment. Comme dirait Saez sur son titre "Putain ma vie " (Je n’ai pour ce type qu’une admiration musicale) : " j’ai pas cherché l’argent puis lui m’a pas trouvé ". Voilà ben pour moi c’est aussi valable pour le bonheur. Tout ce que je touche dans ma vie personnelle trop souvent finit en échec, en drame, en lutte, en désaccord, avec moi-même ou avec les autres. Je tente bon gré mal gré de rester raisonnable, d’éviter la chute mais quelque chose de plus profond vient en permanence tout déséquilibrer. Je n’exprime au travers de mes morceaux que le vide de la vie, le vide de la mienne surtout. Mes erreurs, mes espoirs, mes peines. Et quand il ne reste que ça alors à quoi bon lutter. Autant faire ce que je sais faire de mieux, à savoir jouer et composer de la musique. Un saltimbanque né dans une époque triste, une farce, une infime tranche de vie où je ne reconnais plus la mienne. Ceci dit, je ne m’étale pas dans ma propre fange, je ne m’y plais pas, ou très rarement. Je cherche toujours une lueur, un espoir, quelque chose à quoi me raccrocher avant de tomber trop bas, et j’apprends l’équilibre auprès de ma fille et de ma compagne.
Si Jours Pâles devait être une citation ou un proverbe ?
Selon l’humeur du moment je vais dire "On boit ensemble mais on est saoul tout seul ". Je crois que c’est d’Antoine Blondin, à vérifier.
Il est intéressant de constater que Jours Pâles a une identité musicale bien à lui, avec des influences parfois plus rock que metal...Peux-tu nous parler des groupes que tu écoutes et qui peuvent influer sur ce penchant ?
Spellbound : J’écoute de tout comme je te le disais précédemment mais c’est vrai que j’ai quand même un penchant pour le rock dépressif suédois. Lifelover, Apati, Shining, ce genre de choses. Psychonaut 4 aussi, du côté géorgien, dont je suis vraiment fan. C’était tellement cool de faire la connaissance de leur chanteur Graf, et de l’avoir eu sur Asphodèle et Jours Pâles. Très fier de cette collaboration. Je pense que tout ce que j’ai pu écouter ou tout ce qui a pu m’influencer est en grande partie passé au travers d’un filtre qui ne laisse que peu de résidus sur mes amours musicaux, même s’il serait bien trop prétentieux de pouvoir imaginer inventer quoi que ce soit à l’heure actuelle tant nous sommes noyés dans des flots constants de mélanges, de couleurs, de styles, parfois pour le meilleur, souvent pour de la merde, il faut quand même le dire. Je crois aussi que si le côté rock revient au devant de mes compos, c’est aussi parce que je n’ai pas une technique hors norme. Je compose donc avec les moyens que j’ai. Ça guide le style de Jours Pâles.
Le black metal a sacrément évolué depuis trente ans, et vous participez de son évolution...crois-tu (comme moi) qu'une musique qui n'évolue plus est condamnée ?
Spellbound : Certains crachent ouvertement à la gueule de mon projet car pour eux c’est une musique de "teenager " , encore plus lorsqu’il s’agit de puristes et que Jours Pâles est catalogué ou présenté comme groupe "black metal". D’autres y voient un renouveau salvateur et sont absolument fans de mes sons, qu’ils considèrent ça black metal ou non. Je ne sais pas. Je ne suis pas un puriste. Je suis un très mauvais collectionneur, chaque fois que j’achète des disques je finis par les perdre, les rayer, les mettre les uns dans les boîtiers des autres. Je n’ai même pas ma propre discographie complète chez moi et pourtant entre Aorlhac, Asphodèle, Jours Pâles et tous les featuring auxquels j’ai pu participer, ça ferait déjà un paquet de trucs. Tout ça pour dire que je ne me revendique d’aucun style en particulier, mais je sais que ce n’est pas du black metal, celui de la tradition la plus pure. Le genre évolue car nous continuons à le cataloguer, le catégoriser. Peut-être aurait-il dû s’arrêter aux premières heures que nous lui connaissons. Jours Pâles est juste ce que je considère comme de la musique extrême, du metal mélancolique. De la musique qui fige des moments de vie.
Si tu devais présenter Jours Pâles a une personne qui n'a aucune idée de ce que vous faites ?
Spellbound : Une musique sincère, extrême dans les voix mais aussi mélodique et mélancolique musicalement. Je pense qu’il faut malgré tout avoir une base bien ancrée dans le rock et le metal dur pour comprendre et apprécier le projet.
Des dates de prévues ? Des détails à ce sujet ?
Spellbound : Nous avons déjà pu effectuer quelques belles dates et oui nous avons pas mal de propositions, certaines sont déclinées par manque de temps ou d’organisation, mais nous avons quelques plans à l’heure actuelle, notamment une tournée en Allemagne qui se monte en ce moment. Nous prenons et étudions bien sûr toute offre sérieuse et je suppose que la sortie de Tensions va sûrement nous permettre de voir pas mal d’autoroute les prochains mois.
Un message pour les lectrices/lecteurs ?
Spellbound : Pas de mots en particulier, merci à toi pour tes questions pertinentes, ton travail et ton intérêt envers Jours Pâles.
Pierre Avril
JOURS PALES SUR LE SITE DES ACTEURS DE L'OMBRE
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