Interview : Jeff Grimal nous dit tout sur le nouveau Kesys et son nouveau projet Prisme
Salut Jeff ! Bienvenue de nouveau chez Le Scribe, ce n'est en effet pas la première fois que nous échangeons autour de ton travail, qu'il s'agisse d'arts plastiques ou de musique. Cette fois nous allons nous concentrer sur deux projets, un avec lequel tu as déjà réalisé plusieurs sorties, Kesys, et l'autre qui est tout nouveau, qui s'intitule Prisme.
Peux tu nous parler du nouvel EP de Kesys, toujours avec ce dark folk des plus planant ?
Planant, oui. Dark folk ? Mouais, beaucoup moins. Ce nouvel EP, c’est plutôt du post-rock/folk avec un petit goût de progressif. Si je compare avec mon album précédent, Ascent Fall, on est clairement dans un autre mood. À l’époque, je traversais une période bien chaotique, et ça s’entendait dans la musique : sombre, intense, presque dramatique. Là, c’est différent. Après la tempête, la lumière revient – et cet EP, c’est un peu cette bouffée d’air frais.
J’avais aussi envie de casser un peu les codes du néo-folk/dark folk. Fini les ambiances clichés de forêt hantée ! Le premier morceau, It Will Be Night Soon, par exemple, flirte carrément avec le post-rock. La fin est presque drone – on pourrait penser à Godspeed You! Black Emperor, mais version 70's, avec une vibe Pink Floyd. Le deuxième titre, You and I Can Reach the Stars, garde cette dynamique mais se termine avec une touche folk/cold wave qui, je trouve, apporte un bon contraste.
Ensuite, il y a Au-Dela, le morceau sans batterie, qui fait un clin d'œil à mes anciens titres, mais avec un twist : une flûte qui change tout. Et puis on termine sur Merci La Lune, mon bébé rythmique. Celui-là, c’est un mélange improbable entre folk et math rock. D’ailleurs, je vais breveter le terme math folk ! (rires) Ce morceau annonce bien la couleur pour le prochain EP, qui sera plus technique.
Pour cet EP, j’ai bossé avec une dream team. À la basse, Benoît Gateuil : le mec a un sens de la mélodie incroyable et joue avec une touche 70's qui colle parfaitement à mes arpèges. Ensuite, pour la batterie, j’ai appelé mon pote Simon Renault, un batteur jazz de Bordeaux. J’avais fait des maquettes (assez rudimentaires, on va pas se mentir), mais Simon a tout transformé en or. Et enfin, pour la flûte, j’ai eu la chance d’avoir Thomas Boissier de Wegferend. Sa prestation sur un des morceaux m’a carrément rappelé les vibes de la BO d’Aguirre, la colère de Dieu par Popol Vuh.
Bref, cet EP, c’est un mélange d’expérimentation, d’évolution et de fun. J’avais envie de sortir des sentiers battus tout en gardant un pied dans ce que j’aime : des sons profonds, des émotions sincères.
Avec Kesys tu exprimes la part la plus mélodique de ta musique,
toujours chargée d'une mélancolie qui en renforce encore la beauté.
L'aspect instrumental rend la chose infiniment narrative, tu es
d'accord ?
Totalement d’accord ! Avec Kesys, je veux que chaque morceau soit une sorte de mini-film. Une musique qui te transporte sans que t’aies besoin de lire des sous-titres ou d’écouter un monologue.
L’aspect instrumental laisse de la place à l’imaginaire. Chacun peut se créer son propre scénario. Tu peux voir ça comme un road trip à travers des paysages mélancoliques. Et puis franchement, pas besoin de paroles pour raconter quelque chose quand la mélodie peut déjà te faire pleurer, sourire ou te perdre dans tes pensées – c’est plus efficace qu’un monologue de trois heures !
Cela dit, j’ai déjà testé le chant sur l’album précédent, et je compte en remettre une couche sur le prochain. Mais pas question de venir casser l’ambiance avec des paroles qui tombent à plat ! L’idée, ce sera d’amplifier cette narration, pas de rajouter des dialogues inutiles.
Tu viens de publier le titre « Fracture Void » de ton
projet solo Prisme. Tu joues tous les instruments, pour un rendu Doom
très profond (avec un tempo proche du funeral doom) et des aspects
drone et dark ambient des plus réussis. Peux tu nous en dire un peu
plus sur ce nouveau projet ?
Oui, l’année dernière, après avoir finalisé les compos de Kesys, j’ai eu envie de faire un truc plus simple et plus “dans ta face”. J’aurais pu partir sur du thrash – j’adore en écouter – mais franchement, ça ne m’inspire pas pour créer un projet. Et puis, soyons honnêtes, je suis plus du genre à chercher des ambiances pesantes qu’à jouer des solos ultra rapides.
Du coup, je suis parti sur un truc bien doom, lent et lourd, mais avec une touche indus pour pimenter le tout. J’aime quand la musique a ce côté mécanique, répétitif, presque hypnotique, un peu comme si une machine géante jouait avec nous.
Ce morceau, à la base, c’était juste pour m’amuser, sans me prendre trop la tête. Mais il y a quelques semaines, j’ai rouvert le projet sur Reaper (mon logiciel fétiche), et là, l’envie m’est venue de le finaliser, le mixer et même de le masteriser tout seul.
Pour le nom, Prisme, il m’est venu un peu par hasard, mais après réflexion, je trouve qu’il fonctionne bien. Il y a cette idée d’enfermement : on est tous coincés dans un prisme, un cocon. Que ce soit dans le ventre de notre mère, dans notre maison, ou même en voyageant sur cette planète, on reste toujours enfermés quelque part – surtout dans notre propre tête. Alors voilà, Prisme, c’est ça : une réflexion sur cette condition humaine, à la fois captivante, un peu mécanique, et profondément universelle.
En ce qui concerne Prisme prévois tu un EP, ou un album ?
Oui, j’ai déjà 4 titres prêts que j’aimerais sortir en digital sur Bandcamp pour janvier ou février. Par contre, il me reste encore pas mal de boulot sur les arrangements et les samples, histoire de ne pas vous balancer ça en mode "premier jet" (rires). Mais ça avance bien et je suis vraiment content du résultat pour l’instant. Hâte de vous faire écouter tout ça !
Des vocaux sont-ils prévus par la suite pour Prisme ?
Oui, il y aura quelques vocaux, mais ça ne prendra pas beaucoup de place. Ce sera surtout sur des parties qui en ont besoin, pour ajouter un peu plus de puissance. L’ensemble restera centré sur la musique, un peu comme dans Kesys, avec l’accent mis avant tout sur les sons et les atmosphères.
Où en es-tu avec la scène ? Prévois tu de donner des concerts dans le futur ?
Avec le projet Prisme, non, mais avec Kesys, oui. D’ailleurs, j’ai donné quelques concerts en 2023 et 2024. Avec Kesys, ce sera soit en mode solo — juste moi avec mes effets — soit en groupe, à trois ou quatre musiciens. Tout dépendra des disponibilités des musiciens, mais je ne veux pas manquer une date importante. C’est pourquoi l’option solo reste une alternative intéressante.
Bien sûr, en solo, je ne pourrai pas jouer certains morceaux des albums tels quels, il faudra les réarranger. Cela dit, seul, j’aime beaucoup improviser pendant mes sets. Il m’est déjà arrivé d’improviser 30 minutes sur un set de 40 minutes. En résumé, je ne me fixe aucune barrière pour avancer.
Quelle place la musique prend elle dans les cordes de ton arc
créatif ?
La musique est au cœur de mon processus créatif, tout comme la peinture. Ces deux arts occupent une place essentielle dans ma vie, indissociables et profondément complémentaires. Quand je suis dans mon atelier, je peins en mode marathon avec des albums qui tournent en boucle. Je prépare même une playlist pour accompagner mes heures de création..
Quand je compose, le processus s’inverse : des couleurs, des textures, et des tableaux prennent vie dans mon esprit, guidés par les notes. La musique et la peinture sont pour moi comme deux âmes sœurs artistiques, inséparables et indissociables. L’une nourrit l’autre, et ensemble, elles donnent naissance à mon univers créatif. Je ne pourrais imaginer vivre l’une sans l’autre.
D'autres projets en vue ?
Oui, j'ai également commencé un autre projet metal avec mon bassiste Benoit. Nous en sommes encore aux premières étapes, mais j'en parlerai en temps voulu.
Un dernier mot pour les lecteurs du Scribe ?
Merci pour l’interview et un immense merci à tous ceux qui me soutiennent. Vous êtes ma plus grande source de motivation. À bientôt !
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