Première interview 2025 : GORGON ! Chris nous dit tout de l'album "For Those Who Stay" un monument de vrai Black Metal !
Bonjour Chris, tu sais que tu es toujours le bienvenu dans les pages du Scribe, vu que je suis un vieux fan ! Le nouvel album de Gorgon, phénoménal, intitulé For Those Who Stay est sorti il y a peu sur Osmose productions et propose un black metal très violent mais toujours musical, dans la lignée des deux précédents. Peux tu nous en dire plus sur la réalisation de ce nouvel opus ?
Bonjour Pierre et merci pour ce commentaire au sujet de l’album, car venant d’une personne qui connait notre discographie, ce jugement a encore plus de valeur. Ce dernier a été intégralement composé par moi d’un point de vue musical, et je me suis fait aider de notre bassiste Nia Vile pour les textes. Comme on était dans l’optique de l’enregistrer dans l’esprit des 2 précédents, à savoir moi, plus le batteur, c’est donc avec lui que l’on a travaillé les parties et défini les tempii dans notre local. Nous avions réservé le studio ArtMusic, situé dans le Var, pour décembre 2023 car on avait confiance dans les compétences de son propriétaire Sebastien Camhi. J’ai investi ce lieu peu avant que le batteur n’arrive, pour mettre sur bande des « guitares témoins » qui lui ont servi par la suite comme repère lors de ses prises. Il est resté 2 jours sur place, installation et réglage de son instrument compris, puis j’ai pris la relève. On a commencé par chercher un son de guitare en testant différents amplis présent. Ensuite, j’ai donc enregistré toutes les guitares, rythmiques puis mélodiques, effaçant les guitares provisoires précédentes, puis j’ai enchainé avec la basse. J’ai utilisé une basse 5 cordes, appartenant au studio, pour la qualité du son qui nous convenait. L’étape suivante fut les prises vocales. A la fin de celles-ci, on a reçu la visite de Herostratos, chanteur du groupe toulonais de Death Metal Nox Irae, car appréciant son timbre de voix, je le désirais sur 2 passages bien distincts de 2 morceaux. Ayant bossé ses courtes parties en amont, il n’est resté que peu de temps parmi nous, mais a apporté un plus à l’album, tout comme on l’imaginait. Enfin, on a intégré quelques pistes de clavier, que j’avais composé, mais qui a été interprété par Fred Colombo (Spheric Universe Experience), qui nous les a envoyés par internet, ont un tout autre rendu. Le mix, puis le mastering en Allemagne aux Kohlekeller Studio (Powerwolf, Aborted,..) ont achevé la partie sonore en janvier 2024. En parallèle, Alex de Nether Temple Design travaillait sur les visuels selon les recommandations qu’on lui avait fourni. Le graphiste d’Osmose Productions a ensuite fait le montage des divers éléments, avant que le label envoi le tout au pressage et définisse une date de sortie.
Gorgon est une véritable légende, groupe français le plus ancien du genre, il existe depuis 1991. Tu tournes beaucoup à l'étranger avec le groupe, comment est perçu Gorgon dans les différentes terres que vous arpentez ?
On a majoritairement joué en festival, que ce soit en Roumanie, Canada, Finlande, Suisse, Espagne ou encore Portugal, aussi ça brasse beaucoup de monde qui ne nous connait pas et qui ne vient pas forcément pour nous. Cela reste néanmoins toujours de bonnes opportunités, car pour ces nombreuses personnes il y a cette notion de découverte. On doit faire nos preuves pour les captiver, et qu’ils retiennent notre nom, pour les décider à nous soutenir par la suite. Il y a toujours de la curiosité également quand on les voit arpenter le stand du merch’, mais aussi du respect de par notre aspect à leurs yeux de « groupe international ». Une bonne partie s’est aussi déjà renseignée sur nous, connait notre histoire, et sur les groupes qui y jouent en général, donc il y a aussi une attente à ne pas décevoir. Les chroniques qui en ont découlé ont toutes été favorables par la suite, aussi cela reste pour tous de très bons souvenirs. On écoule également beaucoup de t-shirts et CDs, ce qui est toujours un bon baromètre de satisfaction. Lors de concerts en tête d’affiche comme en Italie, Suède ou bien Luxembourg, on retrouve les mêmes caractéristiques dans le public, les fidèles qui viennent dans le lieu, peu importe le groupe et ceux qui savent davantage qui ils viennent voir. A nous de leur laisser une trace indélébile de la soirée, ce que nous faisons la plupart du temps.
Pour moi, The Veil Of Darkness, Traditio Satanae et For Those Who Stay forment une trilogie infernale et brutale. Es-tu d'accord où un quatrième opus pourrait venir en complément ?
Oui ces 3 albums se complètent les uns les autres et forment un tout cohérent. On peut les écouter distinctement aussi, car ils ont leur autonomie propre, mais mis ensemble on perçoit des liens entre eux, ce qui au final n’a rien d’étonnant en soit. Est-ce qu’un 4e opus pourrait venir fortifier cette trilogie, je ne pense pas. Au contraire il serait plus intéressant d’explorer d’autres voies et de surprendre l’auditeur. Il n’est nullement question de renier ces albums dont nous sommes très fier, mais montrer d’autres facettes du groupe, afin d’étoffer notre répertoire, serait valorisant et un bon challenge. Il est un peu tôt actuellement pour voir vers quelle direction l’inspiration va nous emporter, mais on tachera une fois de plus de ne pas se répéter, et de fournir un 8e album digne de notre discographie.
Ce qui est fascinant chez Gorgon, comme chez un Marduk, c'est cette incroyable capacité de sonner brutal tout en ayant des compos très évoluées et aux riffs inspirés. Je sais que tu t'entoures toujours de fines gachettes. Peux tu nous dire un mot de la formation actuelle ?
On retrouve Hellesylt à la batterie, qui est à mes côtés en live depuis 2019, soit « le retour » du groupe. Il a donc fait toutes les dates derrière ses fûts et les parties du dernier album. La seconde guitare est tenue par A., qui nous a rejoint mi 2023 et s’occupe de la majorité des mélodies sur scène. Enfin la basse est tenue par Nia Vile, qui est arrivée aussi à la même période, et comme dit précédemment participe également à l’écriture des textes. Ces deux derniers membres font également des backing vocaux en concert. Cette configuration en quatuor tourne vraiment bien, comme pourront le constater les spectateurs des prochaines dates déjà arrêtées de 2025 en Suisse, Italie, France et Allemagne. On avance tous vers le même but, et l’ambiance est enfin saine au sein du groupe.
Ce titre d'album, For Those Who Stay, s'adresse t'il aux survivants d'un black metal « pur » où fait il référence à autre chose ?
Ma vision initiale est effectivement différente puisqu’elle est basée sur ce que me disait une personne âgée de ma famille quand j’allais la voir. Vivant seule et éloignée d’où j’habite, elle me disait souvent que lorsque j’allais la quitter, j’allais retrouver mes activités, mon chez moi et autre, alors qu’elle, elle serait de nouveau seule, ce qui l’attristait. Aussi à ses yeux le plus dur n’était pas pour ceux qui partent, mais pour ceux qui restent. On a transvasé ca dans le concept mortuaire, où ceux qui partent vont « ailleurs », alors que pour ceux qui restent, les vivants, le quotidien est souvent très difficile à vivre suite à cette absence qui se crée. Il arrive très souvent que des éléments personnels finissent d’une certaine manière dans nos textes et aident à les enrichir. C’est une nouvelle fois le cas, et il y a d’autres exemples sur l’album. Ces faits et réflexions du vécu personnalisent nos lyrics qui au premier abord pourraient paraitre commun au style.
Qu'écoutes tu en ce moment ?
Je n’écoute pas de groupe en particulier en boucle, mais j’essaie de découvrir des nouveautés. Cela reste néanmoins ancré dans le Black Metal, où les nombreuses sorties nous fournissent un large choix. Généralement il y a peu de choses qui m’interpellent, mais je laisse une chance à chacun. Cela me tient à cœur de dénicher une formation qui me captivera. Que ce soit en lisant des fanzines, ou selon les recommandations que je lis ici et là sur le net, je vais jeter une oreille sur les groupes que je ne connais pas afin de me faire une idée de leur style. Après il faut reconnaitre que je n’ai pas beaucoup de temps libre, aussi j’écoute moins qu’auparavant, et de nombreux groupes passent à travers mes filets. Néanmoins face aux nombreuses personnes qui eux aussi ont connu l’âge d’or du style et restent fidèles aux classiques, sans chercher plus à s’ouvrir à ce qu’il se fait actuellement, pour ma part j’apprécie cette démarche qui est d’essayer de me révéler un nouveau groupe à suivre.
Comment vois tu les albums réalisés depuis votre retour en 2019 par rapport aux quatre premiers sorties entre 1995 et 2000 ?
Les standards du son n’étant plus les mêmes, il y a une différence notable au niveau de la production. Cela n’enlève en rien le charme des ceux des années 90 qu’on a connu, mais pour un novice, il se peut qu’il accroche moins du à ce facteur. Au sujet des compos des années 90, avec le temps, et c’est propre à chaque groupe, on aimerait faire la chose impossible qui est de modifier certains détails ou jouer différemment certains passages. Ce n’est pas qu’on en ait honte, c’est juste que l’on pense, avec le recul, que cela aurait été plus percutant pour nos oreilles actuelles. Notre set list la plus récente comprends de nombreux morceaux des années 90, preuve comme je viens de le dire qu’on ne rougit pas de notre passé. De plus, les morceaux sélectionnés s’intègrent parfaitement avec ceux qui sont plus récents, et cette communion des âges montrent au final une continuité dans notre œuvre. Il y a également un plaisir toujours présent à les jouer, on ne s’impose pas d’obligation pour contenter un public qui les réclamerait. Nos albums plus anciens ont aussi à mes yeux une certaine forme d’insouciance qui était de mise à cette époque où tout était à crée. On comprend aisément que autant d’années plus tard, il est plus difficile de se démarquer face à la masse tellement le style a été exploité dans tous les sens.
Comment vois tu le black metal actuellement ?
Il y a trop de groupes et de sorties de productions, ce que tout le monde constate aisément. On a beau vouloir se tenir au courant de l’actualité, on ne peut tout écouter, et c’est parfois frustrant car notre sélection nous fait forcément passer à côté de choses qu’on aurait adoré. Les sorties CD ou cassettes se font le plus souvent dorénavant à tirage plus réduit car il y a plus d’offre que d’acheteurs qui eux n’ont pas de croissance exponentielles. Cela n’aide pas de nombreux groupes à avoir de la visibilité car ils se trouvent perdus dans le nombre. Les mêmes gros groupes tiennent toujours le haut du pavé, car bien connus d’un plus large public qui ne soutient que peu, voir pas du tout les formations plus modestes, que généralement de toutes façons il ne connait pas. Il y a toujours ce fossé entre ceux qui écoutent du Black Metal (la masse) et les fans de Black Metal. Je ne me plains pas de la situation pour autant, je prends acte, c’est tout. L’argent que rapporte le style est également un élément qui rentre en compte, et a vu naitre de nombreuses dérives (slip à effigie de groupes, publicités moqueuses, ….) que je ne cautionne pas. Ecouter ce style ce n’est pas « cool », ni « tendance », pour preuve il ne passe pas partout en France, voir fait encore peur à de nombreuses salles et organisateurs, ce qui au final est une bonne chose quand on pense à l’esprit d’origine. Tu peux organiser un concert de Metal, voir même de Death Metal dans de nombreux lieux qui refuseront de passer du Black Metal. Il reste donc les festivals calibrés extrêmes (Winter Rising, Tyran Fest, Battle In The North,…) qui eux du coup proposent de belles affiches sans complexes. Et rien ne va changer dans l’avenir selon moi.
Un mot de la fin pour les lecteurs du Scribe ?
On va finir par l’habituelle invitation à nous découvrir, pour ceux qui ne nous connaissent pas, ou écouter notre dernier opus pour les autres, qui ont déjà eut affaire au groupe et peuvent juger de ce que l’on offre en ce moment. Cet album est le fruit d’un travail de long mois, et si l’occasion se présente à tes lecteurs pour le partager en live, leur présence sera un bel encouragement pour nous et l’organisation. Que ce soit un soutien physique ou virtuel, cette démarche est à saluer, car c’est elle qui motive aussi en partie à continuer.
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