Interview 01/04/2025 - VERSATILE et leur Black Metal industriel de Suisse en interview avec Pierre Avril - Les Acteurs de L'Ombre Productions
“Ma grange ayant complètement brûlé, je peux maintenant voir la lune » (Masahide, M. 1657 - 1723)
J'ai eu la chance de m'entretenir avec Hatred et Famine (NdR : rien à voir avec celui que vous connaissez) de Versatile et nous avons pu décortiquer leur premier album qui parait chez Les Acteurs de L'Ombre Productions demain (2 Avrik). Un disque d'une grande richesse d'une belle diversité qui m'a donné envie d'en savoir plus sur les Suisses...
Vous venez de Suisse, vous vous appelez Versatile, et vous jouez un black metal singulier et bigarré. Pouvez vous nous raconter votre histoire ?
Hatred: J’ai eu envie de créer un groupe avec un visuel fort et un projet entier qui repose sur différentes formes d’art. Versatile possède un lore qui lui est propre et une musique très mélangée. J’y réfléchissais depuis longtemps mais c'est devenu concret dès que j’ai été rejoint par les autres. Du moment que les bonnes personnes ont été réunies, le groupe n’a fait qu’avancer.
Famine : Après une pause musicale de deux ans, j’ai rejoint ce projet pendant la période du Covid, en février 2020. C’est une démo du premier morceau qui m’a réellement motivé à rejoindre mes nouveaux collègues, car j’ai senti que l’équilibre entre l’électro, les chœurs et le metal était très convaincant. Nous avons également une synergie positive et créative en permanence, chacun apportant ses ressources pour faire avancer le projet. Faire partie d’un groupe avec une telle cohésion a été très stimulant pour moi. Nous avons commencé à composer et à jouer en concert en trio avec Cinis & Hatred, avec la batterie directement intégrée aux synthés. Cela nous a permis de voyager et de jouer dans des concerts que nous avons vraiment appréciés, comme le Riedler Open Air Fest en Allemagne, Le Ferrailleur en France, et bien d’autres. L’accueil de Morphée (batteur) a été une évolution naturelle par la suite. Après avoir écouté les retours de notre public, nous avons ressenti que l’impact d’une vraie batterie manquait parfois, et nous avons tous commencé à nous interroger à ce sujet.
La Suisse n'a peut être pas des milliers de groupes de metal – encore que- mais beaucoup de groupes ont fait sonner le metal de façon singulière dans votre pays, depuis Celtic Frost, Samaël, en passant par Coroner et d'autres. Versatile s'inscrit il dans cette filiation ?
Hatred: Samael sont effectivement une inspiration, on est relativement proches musicalement. Ce qui est clair, c’est qu'on cherche à laisser notre trace nous aussi.
Famine : En gardant beaucoup d’admiration, je n’ai pas la prétention de me comparer aux grands groupes que tu viens de citer. Ils n’ont plus rien à prouver à personne. A notre niveau, il est vrai que nous grandissons rapidement au rythme de nos efforts. Nous avons faim de progrès, et nous voulons prouver que notre projet est une pierre brut que nous affinons au fur et à mesure jusqu’à la faire briller de mille feux, tant musicalement que visuellement
Le nom du groupe, Versatile, nous en dit long sur vous. Vous apportez au black metal des passages industriels et d'autres plus death metal. Avez vous toujours voulu sonner de façon unique ou est ce que les choses se sont faites toutes seules ?
Hatred: C’est drôle parce que notre nom décrit effectivement bien notre groupe, mais au départ ce n’était pas notre intention. Le nom provient du morceau éponyme et désigne une créature changeforme. Mais oui, on a toujours voulu sonner de façon unique, clairement. Même si la direction musicale a naturellement dérivé depuis l’intention première.
Famine : Lorsque deux têtes un peu folles décident de composer ensemble avec des influences parfois très opposées, mais toujours en gardant une rigueur d’avoir une composition la plus aboutie, ça donne souvent parfois un mélange explosif qui nous surprend tout autant que vous.
Il y a une atmosphère apocalyptique dans votre album « Les Litanies Du Vide » qui sort le 11 Avril chez Les Acteurs de l'ombre Productions. Pensez vous à la fin du monde ? Croyez vous que nous y sommes ?
Hatred: En réalité, le point de départ de l’album (dépeint sur la pochette et suggéré par le nom de l’album) est en effet la fin d’un monde, similaire au nôtre. Mais il se situe dans le passé de l’univers de Versatile, dont le présent se déroule de nombreuses années après ces événements. On peut donc dire que Versatile est un groupe post-apocalyptique, même s’il n'en revêt pas les atours habituels. Mais sinon, à titre personnel, je pense que l’humanité va subsister encore longtemps (mais dans quelles conditions ?)
Famine : Je te remercie pour cette question intéressante, Pierre. Comme Hatred l’a précisé, nous parlons ici de cycles de vie et de destruction, entre les civilisations qui naissent, et les empires qui chutent aussitôt après avoir atteint le pic de leur évolution. A titre personnel, la “fin du monde” n’est qu’une représentation fataliste de la fin d’un cycle. Avant nous, Nostradamus avait prédit la fin du monde. Avant lui, le peuple aztèque estimait que le monde fonctionnait grâce à un équilibre cosmique fragile entre les hommes et les dieux. Le dieu Huitzilopochtli (représenté par le Soleil) devait être nourri en permanence avec des sacrifices, au risque de s'affaiblir et d’envahir le monde dans son obscurité. Si un jour, nous venons à subir le déclin de notre espèce, tout ne serait qu’un recommencement, sans notre présence cette fois-ci. Même si notre ego refuse et résiste très fortement à cette idée.
Pouvez vous nous parler de vos influences, aussi bien musicales que littéraires, artistiques ou politiques ?
Hatred: Musicalement, pour Versatile, j’ai été très inspiré par Psyclon Nine pour le côté électro/indus, Septicflesh et Dimmu Borgir pour le côté sympho et grandiose, Wormfood pour le chant et l’ambiance. Carach Angren également. Ensuite, j’aime énormément le melodeath, le blackened death, etc.
Pour le lore, il y a des influences assez directes comme les livres La Cité de l’Ombre et Frankenstein, et d’autres choses que j’ai détournées, comme le Disney Le Bossu de Notre-Dame, la Divine Comédie de Dante, les livres des Chroniques du Monde Émergé, les différentes nouvelles de Lovecraft, les peintures de Giger, toutes mes parties de jeux de rôles, d’autres films et dessins animés comme La Plateforme, Arcane, From Hell, le personnage du Joker dans DC, certaines mythologies également, quelques cours d'anthropologie, et sans doute un tas de choses dont je n’ai même pas conscience.
Que sont ces Litanies du Vide qui donnent son titre à l'album ?
Hatred: Au moment de la chute, juste avant l’univers de Versatile (l’Envers), un regroupement de personnages religieux se sont regroupés et ont prié en vain, pendant que le monde s’écroulait autour d’eux. Ces prières inconnues, qu’ils répétaient en boucle, sont les Litanies du Vide. Un de ces personnages a survécu, mais sa religion a été oubliée de tous. Il s’agit de l’évêque aveugle du morceau Ad Nauseam (sur l’EP. Tout est lié !)
Comment se porte la scène black metal en Suisse ?
Hatred: La scène Black suisse foisonne de groupes excellents. Schammasch, Borgne, Stortregn, par exemple, sont des groupes très intéressants à mon avis. En revanche, j’ai l’impression que le public se renouvelle peu.
Si vous deviez donner une citation ou une proverbe qui symbolise Versatile ça donnerait quoi ?
Hatred: “Mon travail, qui même s'il était répugnant, exerçait un irrésistible attrait sur mon imagination” Frankenstein
Famine : “Ma grange ayant complètement brûlé, je peux maintenant voir la lune » (Masahide, M. 1657 - 1723). C’est une belle citation où la résilience est présente lorsqu’on compose avec Hatred. En exemple, on vient à supprimer une composition de 3 minutes avant de repartir sur un canevas vierge, puis on réalise qu’on vient de pondre une composition encore mieux aboutie que la précédente.
Qu'écoutez vous en ce moment ? Des coups de cœur ?
Hatred: Dernièrement, le dernier album de Cradle of Filth, que je trouve très bon (Là je ne vais pas me faire des amis ahah).
Famine : Je ne vais rien dire sur le coup de cœur de Hatred (Joke hein). On aime bien se charrier là-dessus. Mon majeur coup de cœur de ce début d’année, c’est “Ascension” du groupe MIRAR. Pour les fans de DARKO US, c’est le genre de son très heavy qui te retourne complètement la tête. En parallèle, je redécouvre les albums de Regarde les Hommes Tomber (Post Black Metal) tout en écoutant aussi The Green Kingdom (Ambient électronique) ou des atmosphères apaisantes avec des gongs tibétains.
Un mot de la fin pour les lecteurs et lectrices du Scribe Du Rock ?
Hatred: Venez nous voir en concert, ça apporte une dimension supplémentaire de nous voir en costumes et de partager ce moment ensemble. Et lisez les paroles. Elles sont rendues facilement accessibles et j’y ai mis beaucoup d’attention.
Famine : Merci à toi pour ton intérêt, Pierre ! Comme je l’ai déjà dit par le passé, c’est un véritable plaisir de jouer sur le sol français. Je garde toujours le sentiment que lorsque le public français vient à apprécier ce qu’il écoute, il l’exprime avec beaucoup de cœur et ne s’embête pas à filtrer ses propos. Il y a une telle puissance et sincérité dans leur expression qui mérite un grand respect. Vivement les prochaines croisades !
VERSATILE SUR LE BANDCAMP DE LADLO
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